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situation d'echec

  • L'au-delà : projection d'un désir ? Karl Jaspers (3)

     60  La philosophie de Karl Jaspers tourne également autour de 61 l'homme, de sa liberté existentielle, de son être-soi dans la communication avec autrui. C'est un fait de portée considérable que l'homme soit exposé sans cesse à des crises profondes et tombe inéluctablement dans des situations où il touche à des limites : " situations-limites" - le fameux mot clé de la philosophie de Jaspers dans l'expérience angoissante du caractère inévitable du combat, de la souffrance, de la faute, dans l'expérience du destin immuable, dans la mort d'un être cher ou dans la pensée de sa propre mort. Partout ici-bas menacent l'échec, la désespérance, le désespoir nihiliste. Peut-on y échapper ? Seulement en acceptant cette situation, en y consentant sans réserve, en acquiesçant même à la mort.

    Un saut hors du désespoir, vers l' être-soi et vers la liberté, doit être fait. Un saut qui n'est possible que si l'homme se reconnaît comme doté par autrui, tout comme il peut faire l' expérience qu'il ne s'est pas créé lui-même et doit son existence à autrui.

    C'est en effet dans la plus extrême situation d'échec qu'il devient possible pour l'homme de faire l'expérience fondamentale de cette "transcendance" qui ne s'identifie pas au monde, et sans laquelle l'existence humaine, au vrai sens du mot existence, ne serait pas possible. Si les hommes peuvent traverser des situations limites, s'ils peuvent tenir sans broncher, même dans la mort, ce n'est pas par eux-mêmes, mais grâce à un "secours", différent de tout secours venant de ce monde, et que seule peut connaître d'expérience la foi philosophique ; oui, une foi ; mais selon Jaspers une foi sans révélation, une foi pour laquelle une seule chose est certaine, c'est qu'il y a une transcendance, sans qu'on puisse dire ce qu'elle est. Ainsi, selon Jaspers, la dureté de l'existence ne peut être contournée, mais c'est en elle qu'on peut justement appréhender la transcendance.

    C'est pourquoi il s'oppose à toute tentative visant à donner valeur absolue à la réalité, fût-ce à la vie et à la mort : si l'on donne valeur absolue à la vie indépendamment de la mort, on perd de vue la transcendance, pour ne plus voir qu'une existence qu'on imagine prolongée jusqu'à l'infini. Si l'on donne valeur absolue à la mort, la transcendance est occultée, parce qu'il ne reste que l'anéantissement. Mais si vie et mort sont identiques - ce qui n'a aucun sens pour notre esprit, de sorte que, dans l'effort pour penser cela, s'accomplit le passage à la transcendance -, la mort 62 n'est pas ce qui est visible dans la matière morte (celle qui n'est pas encore vivante, ou celle qui ne l'est plus comme dans le cadavre) ; la vie n'est pas ce que laisse voir la vie indépendante de la mort, ni la mort indépendante de la vie. Dans la transcendance, la mort est accomplissement de l' être en tant qu'il est vie unie à la mort."

    Que peut-on tirer de la comparaison de ces trois positions philosophiques ? - Ici encore il ne s'agit que d'un bilan provisoire.

     

                                                                                               A suivre...

    Hans Küng - Vie éternelle ? Ed du Seuil , 1985 ISBN 978-2-02-008604-2