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serviteur souffrant

  • Année A - Quatrième dimanche de Pâques

    Références scripturaires de la liturgie de ce dimanche  : Ac 2, 14-41 - 1 P 2, 20-25 - Jn 10, 1-10

    Texte (i-dessous) : P. Marie-Joseph Le Guillou, o.p.  -  L'Amour du Père révélé dans sa Parole, homélies année A - Éditeur : Parole et Silence, 1998

     

    129 En ce dimanche du Bon Pasteur qui donne sa vie pour ses brebis afin qu'elles aient la vie en abondance, l’Église nous demande avec insistance de prier pour les vocations, spécialement pour les vocations sacerdotales et religieuses. C'est en effet une nécessité fondamentale de prier car, pour que les chrétiens vivent, les communautés ont besoin de vocations sacerdotales qui les construisent et qui leur permettent de se développer. C'est un problème qui se pose de façon aiguë en notre temps car il y a une crise des vocations qui se résoudra en premier par la prière.

    Nous demanderons au Seigneur, du plus profond de notre cœur, des bons bergers qui donnent la vie au peuple de Dieu, marqués du sceau de l'Esprit, à l'image du Christ. Vous me direz peut-être : qu'y puis-je, en quoi cela me regarde-t-il ? Il est vrai qu'une vocation est toute gratuite, d'une gratuité comme il n'en est pas. Tout homme appelé à devenir prêtre en a fait l'expérience : il se demande souvent pourquoi il a été appelé et pas tel autre. C'est le Seigneur qui choisit, voilà pourquoi toute vocation est un don gratuit. C'est le Seigneur qui appelle dans l’Église. Il appelle des hommes à se consacrer à l'annonce de la Parole, au rassemblement de la communauté dans la célébration de l'Eucharistie, à la prière et à la vie fraternelle. Il est là " in persona Christi ", en lieu et place du Christ pour appeler les hommes à le connaître plus totalement, plus profondément, plus réellement.

    Le prêtre représente la tête du Corps c'est-à-dire le Christ. Ce n'est pas de lui-même qu'il re-présente le Christ, c'est parce qu'il a été appelé par l’Église qui l'a 130 consacré. Nous avons à demander au Seigneur que de nombreux jeunes se sentent appelés au sacerdoce. Cela ne germe pas tout seul : cela nous concerne tous. Il faut le demander dans la prière et le Seigneur nous exaucera comme il nous le dit lui-même : " La moisson est abondante et les ouvriers peu nombreux ; priez donc le Maître de la moisson d'envoyer des ouvriers à sa moisson " (Lc 10,2).

    Il y a dans le monde une recherche de Dieu, un besoin de découvrir le mystère de Dieu que les prêtres devraient pouvoir satisfaire. Il y a un appel de Dieu dans de nombreuses vies, même dans la plupart des vies à des moments différents : il faudrait qu'il y ait des hommes consacrés qui détectent et qui aident ceux qui ont reçu un appel à cette vocation. Bien sûr, nous n'avons rien dans les mains. Un prêtre est un homme qui n'a rien dans les mains. Rien, si ce n'est la puissance de l'amour de Dieu. Là, tout nous est donné. Là tout peut se faire mais je crois qu'il faut que l’Église découvre plus profondément que jamais que le sacerdoce est un don dont personne ne peut s'attribuer le mérite mais qui témoigne de la plénitude de la gratuité de l'amour de Dieu. Rassembler les hommes dans l'unité, dans la vérité, les rassembler dans la charité fraternelle, les rassembler au plus profond de leur être. Il faut des vocations sacerdotales, il faut qu'elles soient nombreuses. A la mesure où nous y croirons, elles nous seront données plus largement que nous l'imaginons.

    Le Seigneur appelle les apôtres qui seront pêcheurs d'hommes. Prions le Seigneur de nous donner de nombreux pêcheurs d'hommes qui en prennent dans leurs filets pour les donner au Seigneur afin qu'ils vivent de sa vie. " Moi je suis venu pour que les hommes aient la vie, pour qu'ils l'aient en abondance." Remarquez combien tout est centré sur la vie en abondance. Nous avons à vivre du mystère du Christ mais à en vivre au plus profond de notre être avec joie, dans la paix, dans la lumière. Ce mystère est 131 sur nos vies, c'est un don qui est fait à tous car le sacerdoce n'est pas donné à un seul, il est donné à quelques uns pour le profit et le bénéfice de tous.

    Je voudrais vous dire un mot des vocations religieuses : ce sont des vocations de témoignage. L'absolu de l'amour de Dieu réclame tout, demande tout, demande qu'on lui consacre toute sa vie au point de le suivre dans le célibat, dans la pauvreté, dans l'obéissance. Il y a là un appel spécial, un appel qui s'origine à la vie baptismale commune à tous mais manifestée plus profondément comme un signe vivant, un signe eschatologique : l'amour de Dieu est là présent. Les communautés religieuses sont au cœur de l’Église des témoignages de l'absolu de l'amour de Dieu. Consacrer tout au Seigneur, livrer tout au Seigneur, donner tout au Seigneur, c'est ce qu'Il demande à certains. Mais je voudrais souligner que s'il le demande, c'est pour que nous profitions tous de ses dons.

    Si le Seigneur nous donne d'avoir des communautés religieuses dans l’Église, c'est pour qu'elles témoignent en surabondance de l'amour qui les habite, de la charité fraternelle qui les construit. Nous avons à entrer dans ce mystère et il y a une complémentarité entre le sacerdoce, la vie religieuse et la vie laïque.

    Il y a aussi des vocations dans la vie laïque et nous devons prier pour elles, des vocations qui sont un appel à servir l’Église d'une façon ou d'une autre, humblement, chacun à notre place et nous aidant les uns les autres. Il faut que nous soyons fiers des vocations sacerdotales, il faut que nous soyons fiers des vocations religieuses. Il faut que nous soyons fiers des vocations qui naissent au sein du peuple de Dieu et  qui manifestent tel ou tel aspect de la miséricorde de Dieu.

    Je voudrais souligner ici que les vocations sacerdotales ou religieuses ne nous sont données que dans la prière. C'est la prière qui est première car elle est toute puissante 132 sur le cœur de Dieu et dans le temps difficile au milieu duquel nous vivons, nous devons être des hommes  qui dans la prière portent le salut du monde. Le Seigneur a prié jusqu'à l'agonie. Nous devons rentrer dans sa prière jusque dans son agonie. Il faut se donner au Seigneur jusqu'au bout, il faut aimer comme le Seigneur, jusqu'au bout.

    Relisez le texte de la lettre de St Pierre : il dit qu'il obéit au berger qu'est le Christ. Il nous prévient  qu'il faut vivre à son exemple: " Frères, si l'on vous fait souffrir alors que vous avez bien agi, vous rendrez hommage à Dieu en tenant bon. C'est bien à cela que vous avez été appelés., puisque le Christ lui-même a souffert pour vous  et vous a laissé son exemple afin que vous suiviez ses traces ".  C'est toute l'image du Serviteur souffrant que Pierre donne ici. C'est le cœur de la vie du Christ. C'est cela que nous avons à prêcher. C'est cela que nous avons à annoncer au monde, tous, que nous soyons prêtres, religieux ou laïcs : nous avons à annoncer cette entrée dans le mystère de Dieu. C'est vraiment à cela que nous avons été appelés. C'est parce que le Christ a souffert pour nous qu'il est devenu notre berger.

    Je pense qu'il faut lier la prière à la souffrance : l'accepter dans l'amour de Dieu, parce que le Seigneur comble son Église de façon à ce que nous formions un seul corps et que nous vivions dans la justice, dans la charité, que nous vivions dans l'amour de Dieu, que nous ne soyons pas errants mais que nous demeurions dans la main du bon berger. L'image du bon berger est une des images les plus anciennes. On la trouve dans les catacombes et dans les très anciennes églises. Le bon berger, c'est vraiment le mystère du Christ tout entier et c'est en lui que nous devons demeurer

    Demandons ensemble au Seigneur qu'il nous comble de vocations de toutes natures. Que les prêtres soient comme 133 des radars qui détectent des vocations, qui les aident à grandir et que nous soyons fidèles à obéir à cet appel. Je sais qu'il y a parmi vous certains qui sont touchés par la grâce de Dieu. Ils ont à laisser grandir en eux cet appel. Que le Seigneur fasse grandir en chacun de nous notre vérité  pour que nous entrions dans le mystère de Dieu à la suite du Christ dans la joie, la paix et la lumière. Laissons le Seigneur nous guider, laissons le Saint-Esprit être notre lumière. Confions-lui notre cause, c'est lui qui nous défendra et c'est lui qui nous donnera tout ce dont nous avons besoin. Amen ! 

     

     

     

     

  • Héritier de la Bible (7)

    89

    (suite)

    La difficulté qu'elle révèle est inséparable de la foi chrétienne, mais la solution jadis trouvée ne pouvait durer. La contradiction a toujours été vécue. La chrétienté, devenue tout entière non juive par l'origine de ses membres, ne pouvait pas sans se renier elle-même cesser de dire que les promesses faites à Israël avaient reçu un commencement d'accomplissement décisif et que des voix, justement venues d'Israël, l'avaient invitée à entrer dans cet accomplissement. D'autre part, si la chrétienté avait vraiment pu penser 90 que les promesses faites à Israël avaient été complètement accomplies en elle, elle n'aurait eu qu'indifférence (allégorique) pour le peuple juif vivant. Or il faut reconnaître l'impossibilité, compte tenu des commencements de l'Eglise, d'un tel désintérêt et d'un tel vide. Impossibilité congénitale à la foi chrétienne. L'allégorie, comprise telle qu'on l'entend parfois, aurait permis cette indifférence impassible. Mais l'allégorie pure et absolue est purement et absolument invivable. On a dit parfois qu'elle était mort, mort de l'autre. Quand elle l'est, c'est qu'elle est d'abord de soi-même. Allégorie, en grec, signifie « dire autre ». Quand elle est à « nier autre », elle est «nier soi-même ». Mais quand elle parle l'autre, elle le vit en soi-même. Et c'est pourquoi j'osais dire tout à l'heure que l'Eglise vit le juif en elle-même. Il est, en effet, absolument impossible de prendre sur soi ces mots bibliques, la parole séculaire de l'autre, à la manière d'un vêtement sans se sentir concerné, touché par sa vie. Remontons vers l'échange à sa source : quand Isaac s'aperçoit que Jacob a pris la peau d'Esaü, il tremble. Je n'ignore pas que dans la lecture juive, Ésaü représente les chrétiens, par une actualisation des violences d'Edom. Mais les juifs n'ont rien pris aux chrétiens et, au contraire, les chrétiens ont pris une peau qui n'était pas la leur. Il y a tremblement, mais c'est trop tard pour revenir en arrière.
    Que se passe-t-il, en réalité, dans ce parler-autre, cet allêgorein ? Drame, fuite loin du drame, horizon d'une rencontre. Celui qui s'est revêtu d'autrui est, de toute manière, poussé en avant. L'histoire chrétienne n'a pas échappé à cette oscillation entre la mort et la vie et elle pourrait se 91 relire elle-même avec les paroles des prophètes. Elle a connu les moments où tout le corps menaçait de s'abattre, non sans causer la mort de l'autre frère, du jumeau. Chaque fois que la chrétienté à écouté la voix de la mort, l'autre a été coupé en deux. D'un côté son être spirituel (qu'on croyait pouvoir s'approprier) et, de l'autre côté, son être charnel qu'on déclara et qu'on voulut être la seule réalité de l'autre. Mais la loi s'applique : c'est soi-même, alors, que l'on coupe en deux. L'autre charnel que l'on méprisait, on le fait prospérer en soi-même à l'insu de l'être spirituel. Mais cette coupure est la mort. La loi tranchante, ironique dans sa précision : mépriser l'Israël charnel et politique s'est payé de vouloir une chrétienté en forme de royaume terrestre ; pire, reprocher à Israël la loi du talion (mal comprise) s'est payé de vouloir venger la mort du Christ par la mort... Ceci n'est pas loin de l'allégorisme absolu, du parler « hors de soi ». Mais pour aller jusqu'à cette « solution finale », il a fallu abandonner le christianisme. C'est justement ce que l'holocauste a mis sous les yeux des chrétiens : la force qui voulait voir dans les juifs seulement des « juifs charnels » voulait en réalité leur ôter la vie, et la même force voulait la mort spirituelle des chrétiens, mort impossible sans leur complicité. Dans la mesure où la route de la mort est aujourd'hui identifiable, dénoncée par les faits, quelque chose de nouveau est survenu. La mort des victimes de l'holocauste peut faire entrer dans les chrétiens le message qu'ils s'étonnaient d'avoir si mal fait entendre au monde : ainsi parle le 92 Serviteur Souffrant selon la prophétie d'Isaïe - il est tantôt un seul homme et tantôt un peuple.

                                                                 à suivre...

    Paul Beauchamp, Testament biblique, Ed. Bayard 2001. ISBN 2-227-47034-8