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religion

  • analyse sur la crise

    [50] (...) Disons qu'il y a eu une crise générale de la civilisation, sans donner au mot "crise" un sens péjoratif, mais en ce sens qu'il s'est produit une désagrégation de ces éléments constitutifs de toute civilisation que sont la religion et l'Etat, l'éthique et le droit, la tradition et la société, le savoir et la technique, et d'autres encore sans doute. Une civilisation est l'intégration harmonieuse de ces divers composants ; mais, quand l'un évolue, l'ensemble se désarticule, et il faut chercher à les repositionner les uns par rapport aux autres, ou attendre qu'un nouvel équilibre se dessine. Il est difficile de diagnostiquer une crise et de discerner le moyen d'en sortir dans le temps, généralement très long, où elle se produit. Les historiens ont repéré au XII ème et VI ème siècles avant notre ère deux crises majeures de civilisation dans les migrations de populations et les bouleversements des empires qui ont affecté les pays du bassin méditerranéen ; l'avènement du christianisme et son élévation au rang de religion officielle de l'Empire romain ont été une autre crise décisive pour la formation de l'Europe ; à la fin du Moyen Age la tradition, qui était le socle de la culture, se fissure et il en émerge le sujet, avide de se libérer de toute contrainte et de se créer par lui-même. De notre temps, c'est la religion qui s'effondre, elle cesse de fonder l'autorité en quelque domaine que ce soit, elle perd le pouvoir de régenter   les lois de l'Etat, les moeurs de la société, les critères et les objectifs du savoir. Malgré les effervescences religieuses que nous avons signalées (les mouvements charismatiques, l'évangélisme), le phénomène paraît général dans le christianisme. [51] La mondialisation y aidant, il semble aussi gagner les autres religions quand elles viennent au contact des sociétés et des cultures sécularisées, malgré  les fondamentalismes auxquels nous avons fait allusion et qui sont largement le contrecoup des chocs qu'elles subissent. On peut en présager un retrait général et définitif de la religion des postes-clefs qu'elle occupait dans l'histoire des civilisations depuis les temps archaïques jusqu'à nos jours. (...) Retrait ne signifie pas disparition, pas plus que la religion ne s'identifie à la foi. Elle en est l'incarnation dans une société, dont elle subit les influences comme les avatars. C'est principalement par son clergé  et ses ordres religieux que l'Eglise exerce son autorité sur la société, par l'intermédiaire  d'organisations et de mouvements de piété, d'apostolat, d'enseignement, de services sociaux, et d'autres. Le tarissement des vocations sacerdotales (d'aucuns préfèrent dire "presbytérales", mais le mot est moins usité) et religieuses atténue considérablement le pouvoir de l'Eglise d'agir sur la société. Il est, réciproquement , le signe que la société n'éprouve plus le besoin  de perpétuer le modèle religieux selon lequel elle fonctionnait dans le passé. Car il serait naïf de penser que les "vocations" venaient uniquement  d'un attrait  intérieur de la grâce, elles provenaient également  des pressions reçues de la famille et des éducateurs, des soutiens et des encouragements venus de l'environnement social, de la considération vouée aux "personnes consacrées" et, il ne faudrait pas l'oublier, des avantages économiques, de la "situation" que les enfants de familles nombreuses et pauvres trouvaient en entrant "dans [53] les ordres". Ainsi voit-on des évêques aller chercher des prêtres et des religieuses dans des pays pauvres, là où des patrons d'industrie recrutaient de la main-d'oeuvre à certaines époques.

                                                                                          A suivre...

    Joseph Moingt - Croire quand même, libres entretiens sur le présent et le futur du catholicisme.  Editions Tempsprésent  coll Semeurs d'Avenir 2010.

     

     

  • Le chrétien, la politique et le social

    Moïse, chez les Juifs, est à la fois homme de Dieu (prophète) et législateur. Il a donc associé religion et politique. De surcroît, il a trempé lui-même dans le meurtre : ayant tué, on le sait, un Égyptien qui avait malmené un Juif. De même pour Mahomet chez les Musulmans. Qui lui aussi est homme de Dieu (prophète, à la Mecque) et législateur (à Médine) après l'hégire. Lui aussi donc a associé religion et politique

    (...) du seul fait que l'un et  l'autre ont conjoint religion et politique, ils ont en quelque sorte ouvert la porte à ce mortel danger qu'est la théocratie.

    (...) Le Christ, en revanche, homme de Dieu s'il en fut, s'est refusé à toute ingérence dans le domaine politique et social. "Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu". Il n'est nullement législateur. Impossible donc de se réclamer de lui pour instaurer une quelconque théocratie. Que si des soi-disant chrétiens en ont la tentation, ils trahissent tout simplement le Christ. Enfin, ce dernier, non seulement n'a pas trempé dans le meurtre, mais récusant, on l'a vu, toute forme de puissance, et ayant accepté d'être tué pour le salut de chaque être humain, il apparaît comme l'anti-meurtre par excellence. On peut donc dire, à partir de là, que les intégristes musulmans, dans leurs excès mêmes, sont fidèles à Mahomet. Les chrétiens, par contre, qui ont tué au nom du Christ - voir les Croisades, l'Inquisition et Calvin ordonnant la mise à mort de Michel Servet - ont purement et simplement, eux aussi, trahi le Christ dont ils se réclamaient, et sont en ce sens plus coupables que les Musulmans extrémistes.

    G. Haldas - "Le Christ à ciel ouvert - Ed. L'Age d'Homme 2003 - pp. 41-42