Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

G. Haldas

  • Le chrétien, la politique et le social

    Moïse, chez les Juifs, est à la fois homme de Dieu (prophète) et législateur. Il a donc associé religion et politique. De surcroît, il a trempé lui-même dans le meurtre : ayant tué, on le sait, un Égyptien qui avait malmené un Juif. De même pour Mahomet chez les Musulmans. Qui lui aussi est homme de Dieu (prophète, à la Mecque) et législateur (à Médine) après l'hégire. Lui aussi donc a associé religion et politique

    (...) du seul fait que l'un et  l'autre ont conjoint religion et politique, ils ont en quelque sorte ouvert la porte à ce mortel danger qu'est la théocratie.

    (...) Le Christ, en revanche, homme de Dieu s'il en fut, s'est refusé à toute ingérence dans le domaine politique et social. "Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu". Il n'est nullement législateur. Impossible donc de se réclamer de lui pour instaurer une quelconque théocratie. Que si des soi-disant chrétiens en ont la tentation, ils trahissent tout simplement le Christ. Enfin, ce dernier, non seulement n'a pas trempé dans le meurtre, mais récusant, on l'a vu, toute forme de puissance, et ayant accepté d'être tué pour le salut de chaque être humain, il apparaît comme l'anti-meurtre par excellence. On peut donc dire, à partir de là, que les intégristes musulmans, dans leurs excès mêmes, sont fidèles à Mahomet. Les chrétiens, par contre, qui ont tué au nom du Christ - voir les Croisades, l'Inquisition et Calvin ordonnant la mise à mort de Michel Servet - ont purement et simplement, eux aussi, trahi le Christ dont ils se réclamaient, et sont en ce sens plus coupables que les Musulmans extrémistes.

    G. Haldas - "Le Christ à ciel ouvert - Ed. L'Age d'Homme 2003 - pp. 41-42

  • Les relations du Christ avec les hommes

    Mais avant de quitter Capharnaüm - itinérance oblige - où il a multiplié les guérisons, il y a cette petite notation encore et qui a cependant une grande résonance, poétique, à la fois, et humaine.

    Qu'un matin, le Christ, de très bonne heure - il faisait nuit encore sans doute (comme au matin de Pâques) - se leva, sortit et s'en alla dans un lieu désert et là il priait. Dans le silence d'avant l'aube si favorable à la reprise de nous-mêmes. Et avant que la petite troupe des compagnons se remette en marche. Il ne m'est pas possible, à ce propos, de ne pas penser à ces trois types de relation que le Christ entretient avec les hommes.

    D'une part, avec chaque être en particulier, rencontré sur son chemin, et avec lequel il converse ou qu'il guérit. Relation importante avec la personne humaine.

    Puis celle qui s'établit avec le petit groupe des compagnons auxquels il confie parfois des choses qu'il ne peut transmettre aux foules qui commencent à le suivre. Et auxquelles il parle, pour être accessible, en paraboles. Mais dont il se réserve d'en dévoiler le sens intime aux seuls compagnons.

    Cela dit quand il s'adresse à la foule, il faut tout de suite remarquer qu'il ne lui parle jamais à la manière des politiques dans leurs discours. A savoir avec une visée collective, et, à la fois, démagogique. Du tout. Il ne veut ni convaincre, ni séduire, ni moraliser. Qui ne sont que des formes encore de cette puissance qu'il récuse. Non, il se contente de dire. Comme si, au sein même de la foule, il ne s'adressait qu'à chacun des êtres qui la composent. Et à chacun dès lors d'adhérer ou de ne pas adhérer.

    Il est, à cet égard, et jusque dans sa parole, l'essence même de la liberté. Que les Eglises, hélas, par la suite, ont pris grand soin d'étouffer. Ainsi, quand il dit par exemple, dans le Sermon sur la Montagne : Heureux les cœurs purs ou les simples en esprit, c'est à chacun de savoir si oui ou non il fait partie de ces "cœurs purs" ou des "simples en esprit". Bref, il ne cherche nul suffrage, comme dans un discours électoral, ni a recruter des membres comme les douteux dirigeants des sectes. Il ne dit que ce qu'il croit salutaire pour l'être humain. Auquel il se contente d'indiquer la voie. Que chacun, encore une fois, est libre de suivre  ou de ne pas suivre. (...)

    Mais qui ne conçoit qu'entretenir ainsi, jour à jour, et cela sans discontinuer, ces trois formes de relation, demande une énergie pour le moins peu ordinaire. Or cette énergie, le Christ, où va-t-il la puiser ? Là précisément où l'indique la petite notation  de Marc. Dans le silence d'avant l'aube, en un lieu désert, loin de la foule donc et même de ses compagnons. Pour se régénérer dans l'état de prière. La relation primordiale à la Source. Mère de tous les autres. et qui va lui conférer l'énergie nécessaire pour, le moment venu, prononcer les paroles qu'il faut, chasser les démons, guérir les malades, ouvrir enfin à chacun la voie de sa propre libération intérieure. Et, par la suite, aux heures décisives, affronter la condamnation, le calvaire, la torture, la mort. Par quoi il sait qu'il doit passer.

    Georges Haldas - "Le Christ à ciel ouvert" - Editions L'Age d'Homme 2003