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perdition

  • Chemin vers Pâques (6)

    [23]

    Oui, tel est le salut, et il n'y en a pas d'autre. Car l'homme est ainsi fait que, ou bien il atteint le salut, et c'est l'accomplissement total de lui-même et le bonheur plénier dans la vie éternelle, ou bien il le manque, et c'est le naufrage irrémédiable, c'est la perdition, c'est la "seconde mort", c'est l'enfer. L'homme est fait pour être divinisé, et il reste fait pour cela ; s'il ne l'est pas, il est donc dans une situation de contradiction interne qui le détruit mystérieusement lui-même sans l'annihiler et qui, dans la mesure où il en est conscient, ne peut que le rendre ivre de douleur. L'homme est fait pour jouir de Dieu ; s'il ne le veut pas, dans la mesure où il en est conscient, il en ressent une frustration proportionnée à la Joie et à la Béatitude sans mesure qu'il perd.

    Et le drame est qu'il n'y a pas d'entre-deux. C'est le salut ou c'est la perdition. C'est la vie éternelle ou c'est la mort sans fin. S'il est vrai que l'homme est fait pour le salut, c'est-à-dire pour Dieu, ou bien il atteint le salut, et "gagne" Dieu (selon la manière de parler si expressive de saint Ignace d'Antioche), ou il le manque et perd Dieu.

    Certes, la divinisation, la participation à la vie de Dieu, la jouissance de Dieu, sont des mystères d'ordre "surnaturel". Mais cela ne signifie pas qu'il s'agit de dons divins surajoutés [24] par grâce à une nature humaine qui, sans eux, se suffirait à elle-même : cela signifie seulement que l'homme, par les seules forces de sa nature, ne peut atteindre ces biens, qui devront donc lui être donnés par Dieu. 

    L'homme ne possède pas en son être créé le principe de son propre achèvement  : il ne peut atteindre sa plénitude et sa béatitude qu'en Dieu - et là précisément est son mystère. Il n'y a pas un ordre naturel et un ordre surnaturel qui ont chacun leur consistance en eux-mêmes et se superposent comme deux plans parallèles. L'ordre de la nature est orienté vers l'ordre surnaturel, la nature est constituée précisément pour être parfaite par la grâce, elle est constitutivement ordonnée à la grâce. Il n'y a donc pas d'accomplissement humain, ni de bonheur humain plénier ou même seulement véritable, qui soient purement "naturels", si l'on entend par là un accomplissement ou un bonheur en dehors de Dieu, et si l'on fait abstraction  de cette possession  de Dieut de cette relation à Dieu dans la connaissance et l'amour qui sont d'ordre "surnaturel". Dieu, possédé par la vision béatifique, est la seule Fin de l'homme, il n'y en a pas d'autre, et qui n'atteint pas Dieu se perd lui-même irrémédiablement. [Il ne s'agit pas d'atteindre Dieu à la force de ses poignets, à coup de volontarisme moral. Il faut accueillir le don de Dieu en nous. Tout notre effort consiste à accueillir la grâce. Nous devons labourer notre terre (ascèse) mais si notre terre ne reçoit pas la moindre goutte de pluie (la grâce) cet effort ne sert à rien. Une pluie généreuse sur une terre non préparée ne sert à rien non plus. Dieu a besoin de nos efforts et  nous devons compter sur sa grâce. La "petite voie" de sainte Thérèse de Lisieux peut nous éclairer  beaucoup à ce sujet. Note de l'auteur de ce blog]

     L'homme est  tellement fait pour Dieu, que, non seulement il est inachevé, mais il est incomplet. En sa vie [25] mortelle, on le notait plus haut, l'homme est encore inachevé, il est en marche vers son accomplissement et à la recherche de son bonheur. Mais s'il est vrai que sa vocation ultime, de par la constitution profonde de sa nature, est  de s'achever en Dieu, on peut dire que sans Dieu il est incomplet. Et c'est ce que nombre de Pères ont affirmé en enseignant que l'homme - l'homme "complet", "parfait" - se compose d'un corps, d'une âme et de l'Esprit Saint. " Trois choses, écrit par exemple saint Irénée, constituent l'homme parfait : la chair, l'âme et l'Esprit (...) Ceux qui n'ont pas l'Esprit en eux sont dits "morts" (...) car ils n'ont pas l'Esprit qui vivifie l'homme. (...) L'homme est vivant grâce à la participation de l'Esprit (...) Là où est l'Esprit du Père, là est l'homme vivant (Adv. haer.,V, 9, 1-3). Bref, l'homme qui, bien évidemment, est "fait pour la vie" n'est pourtant qu'un mort sans l'Esprit divin : car l'Esprit est pour l'homme ce que l'âme est pour le corps.

                                                                   A suivre...

     

    Claude Richard - Il est notre Pâque - Cerf , 1980  

    Claude Richard a été abbé de l'abbaye cistercienne Notre-Dame de Timadeuc, près de Rohan.