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mourir avec le christ

  • L'essentiel du message pascal (1)

    [151] (...) Malgré les difficultés qu'il soulève, le message part de quelque chose de simple et vise quelque chose de simple. Les divers témoins du christianisme ancien, les épîtres et les évangiles, les Actes des Apôtres et l'Apocalypse, malgré les dissonnances et contradictions des différentes traditions, s'accordent pour dire que le Crucifié vit pour toujours auprès de Dieu, ce fait étant à la base de nos devoirs et de nos espérances. Les homme du Nouveau Testament sont portés [152] et même fascinés par la certitude que celui qui a été tué n'est pas resté dans la mort, mais qu'il vit, et que celui qui adhère à lui et le suit vivra comme lui. La vie nouvelle, éternelle, de l'Un comme appel et réelle espérance pour tous ! Ce n'est pas un dogme nouveau qui est annoncé ici, mais nous sommes appelés, en marchant à sa suite, à mourir avec le Christ et à ressusciter avec lui selon l'expression de Paul.

    Voilà donc le message pascal et la foi pascale ! Message vraiment bouleversant, "révolutionnaire", très facile à rejeter aujourd'hui comme jadis : " là-dessus nous t'entendrons un autre jour ", disaient déjà quelques sceptiques à l'apôtre Paul sur l'aéropage d'Athènes, selon le récit de Luc (Ac 17,32). Ce qui n'a nullement retardé la marche triomphale du message qui était de façon tout à fait essentielle un message de vie éternelle.

    L'énigme historique de l'apparition du christianisme semble dès lors résolue de manière provocante : d'après des témoignages concordants, c'est Jésus de Nazareth connu et reconnu comme vivant, ce sont les expériences de foi autour de Jésus de Nazareth, qui peuvent expliquer pourquoi sa cause a eu une suite, pourquoi après sa mort, s'est produit un important mouvement se réclamant de lui, pourquoi, après son échec, il y eut un recommancement, pourquoi après la fuite des disciples se créa une communauté de croyants. Le christianisme, dans la mesure où il consiste à professer Jésus de Nazareth comme Christ vivant et agissant, est né à Pâques. Sans Pâques, pas d'évangile, pas un seul récit, pas une épître dans le Nouveau Testament ! Sans Pâques, pas de foi en Jésus-Christ, pas de prédication sur le Christ, pas d'Eglise, pas de liturgie, pas de mission. (...)

    [153] Pour Paul, il ne faut pas séparer la Résurrection de Jésus de l'espérance en la résurrection générale des morts. C'est parce que Jésus, et lui seul, vit et tient de Dieu une importance si singulière pour tous, que tous ceux-là vivront qui s'engageront avec confiance pour lui. A tous ceux qui partagent le destin de Jésus, il est offert de [154] partager la victoire de Dieu sur la mort : ainsi Jésus est le premier parmi les morts (cf. 1 Co 15,20), le premier-né d'entre les morts (cf; col 1,18).

    (...)

    Comment se représenter la résurrection ? Réponse : d'aucune manière ! (...) Ressusciter des morts n'est pourtant pas revenir à l'état antérieur de veille qui est celui de notre vie quotidienne. Il s'agit d'un changement radical en un état tout à fait différent, d'une nouveauté inouïe ; c'est un état définitif : la vie éternelle. Et il n'y a rien à décrire, à représenter, à objectiver. Cette vie éternelle ne serait pas vraiment tout autre si nous étions capables de la dépeindre avec des notions et des images empruntées à notre vie de tous les jours, comme si l'on hypostasiait les voeux et les désirs de la vie quotidienne, dans un ciel décrit en termes paradisiaques. "Ce que l'oeil n'a pas vu, ce que l'oreille de l'homme n'a pas entendu.." (1Co 2,9) (...)

    Totaliter aliter, c'est tout autre chose : notre langage touche ici à ses limites. (...) Le Nouveau Testament lui-même recourt, dans les récits d'apparitions, à de tels paradoxes situés à la limite du représentable : [155] : il ne s'agit pas d'un fantôme, et pourtant on ne peut le saisir, on peut et ne peut pas le reconnaître, il [le Christ]  est visible et invisible, saisissable et insaisissable, matériel et immatériel, soumis et insoumis au temps et à l'espace. (...)

    Quand Paul parle de la résurrection, il n'entend absolument pas parler, comme le font les Grecs, de l'immortalité d'une âme qui devrait être libérée de la prison de son corps mortel. (...)

    [157] (...) Il est donc désormais manifeste que la pensée anthropologique, tant celle de la Bible que celle de nos jours, convergent  pour concevoir l'homme comme une unité physico-chimique, ce qui est d'une importance considérable pour la question d'une vie après la mort. Quand le Nouveau Testament parle de résurrection, ce n'est pas de la survivance naturelle d'une âme-esprit indépendante de nos fonctions corporelles. Il entend plutôt par là - dans la ligne de la théologie juive - la nouvelle création, transformation de l'homme tout entier par l'Esprit de Dieu créateur de vie. L'homme n'est donc pas délivré de sa corporéité (comme l'entend Platon). Il est délivré avec et dans sa corporéité - désormais glorifié, spiritualisée : une nouvelle création, un homme nouveau. Pâques n'est pas une fête de l'immortalité, postulat de la raison pratique, mais la fête du Christ, la fête du Crucifié glorifié.

                                                           A suivre....

      Hans Küng - Vie éternelle ? - Seuil, 1985