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mal

  • témoin de l'excès du mal

     [26] Deuxièmement, et je crois qu'en cette fin de siècle nous avons malheureusement l'urgence de l'évoquer : la trahison de Dieu par les religions qui se réclament de lui. Dieu, c'est sûr, nous le trahissons tous, mais il y a ce sentiment que le Dieu auquel nous avons cru est défiguré par ceux qui en parlent, ceux qui agissent en son nom, ceux mêmes qui devraient en être les témoins autorisés. Il y a la trop longue histoire de ces religions qui partent en croisade contre les ennemis de Dieu, au nom même de Dieu. C'est l'histoire des trois religions monothéistes. C'est l'histoire de leur luttes fraticides au nom même de la parole de Dieu. Le fanatisme religieux qui va jusqu'à justifier la guerre sainte est la pire perversion de la religion, et la pire défiguration du visage de Dieu. 

    Et qu'à la fin du XX ème siècle on puisse encore torturer, violer, piller, massacrer au nom de Dieu a quelque chose  d'insupportable pour la conscience humaine universelle. Nous qui avons cru en un Dieu d'amour et de paix, nous avons le sentiment d'avoir été floués et trahis. Et la seule idée qui puisse nous apaiser, c'est qu'un tel Dieu n'existe pas. On ne dira jamais assez combien [27] d'incroyants le fanatisme religieux a engendrés, tant chez les chrétiens, que chez les juifs et les musulmans.

    Enfin, la troisième trahison, c'est le cri de la foi déconcertée par le silence de Dieu. Et là nous rencontrons l'antique question du mal. Le grand scandale pour les croyants, c'est le silence de Dieu, alors que l'Histoire  semble abandonnée à elle-même avec son cortège monotone de violences, d'injustices, de fatalités absurdes. Dieu ne nous a-t-il pas trahis ? Ce silence de Dieu fait violence aux questions des hommes et des femmes. Alors que - et je ne prétends pas répondre à ce qui demeure l'injustifiable par excellence -, si Dieu existe, il ne peut être qu'un Dieu bon. Vous connaissez les mots d'un personnage de Dostoïevski : " je refuserai jusqu'à la mort d'aimer cette création où les enfants sont torturés." Un théologien de notre temps, Moltmann, écrivait : " la question de l'existence est une babiole face à la question de sa justice dans le monde."

    Je voudrais dissiper une illusion bien fréquente : il ne faut pas lire la Bible, la révélation comme le catalogue des réponses de  Dieu aux questions des hommes. Pour reprendre le titre d'un livre du poète juif Edmond Jabès, la Bible est plutôt le "Livre des Questions ", et non le livre des réponses. C'est le sens de ce long cri dont parlent les Psaumes : "Pourquoi dors-tu Seigneur ?" Et, allant plus loin, la Bible ne témoigne pas seulement des questions que l'homme pose à Dieu, mais elle témoigne du procès que l'homme intenté à [28] Dieu. Ce procès est en quelque sorte assumé par Dieu, par la Révélation.

    C'est l'enjeu même  du livre de Job, comme témoin de l'excès du mal auquel ne répond que le silence de Dieu. "Je crie vers toi  et tu ne réponds pas." Alors que ses amis, dont je ne suis pas sûr qu'ils aient été théologiens, bavardent et trouvent une réponse trop facile sur sa prétendue culpabilité, toujours l'immédiate excuse de la rétribution face au mal qu'on n'explique pas, Job a le courage de défier le silence de Dieu, de défier   la trahison de Dieu. Il affronte la question du mal à l'état pur, et cette question du mal devient la question même de Dieu et de sa justice : il devient devant Dieu le porte-parole, à l'avance, de tous les hommes et de toutes les femmes, connus ou inconnus, qui tout au long de l'histoire protestent contre le caractère injustifiable du mal surtout quand il s'agit de la souffrance des innocents. (...)

                                                                                    A suivre... 

     

    Claude Greffé dans "La religion, les maux, les vices" - Conférences de l'Etoile présentées par Alain Houziaux - Presses de la Renaissance, Paris 1998 - ISBN 2-85616-708-X

  • Briser nos images

    Face à la réalité, comment affirmer que Dieu est amour ?

    Nous ne devons pas comprendre de façon trop naïve l'affirmation selon laquelle Dieu est Amour, comme s'il devait disposer avec amour chacun des événements de l'existence. Quand un enfant est victime d'un accident de la circulation qui l'arrache à la vie, une telle conception se discrédite d'elle-même. Mais la question s'impose : le monde est-il chargé d' une énergie négative et mauvaise ? Ou bien devons-nous croire malgré tout que le fondement ultime de l'existence est l'amour ? C'est selon la nature de notre décision à ce sujet que se manifestera notre vision sur nous-mêmes et sur le monde.

    L'affirmation centrale de la Bible est que Dieu est amour. En ressentant en nous l'amour, nous avons compris quelque chose de Dieu et nous y participons. Et c'est cela qui nous permet d'endurer la vie dans le monde où subsistent tant de réalités incompréhensibles et difficilement acceptables.

    Mais, en même temps, la cruelle réalité du monde nous contraint souvent à rejeter une conception simpliste du " Bon Dieu ". Le mal et l'horreur du monde démasquent ces images comme de simples projections de nos désirs.  Toutefois, il nous faut persister à croire que Dieu est juste et qu'il est l'amour. Mais le mystère demeure sur la façon dont nous pouvons concilier les aspects effrayants de la réalité de Dieu, son amour et sa miséricorde. Il nous faut, au cours de cette expérience que nous faisons du mal, briser nos images sur Dieu, parfois par trop candides et optimistes afin de Le chercher dans l'obscurité, lui qui, en dépit de toutes les ténèbres, est la lumière qui éclaire la nuit de notre cœur.

    Quand j'observe la cruauté du monde, il m'est difficile d'affirmer que Dieu veut ce qu'il y a de meilleur pour nous. Il me faut commencer par intérioriser cette absence d'explication, avant de m'interroger sur le caractère non compréhensible de Dieu qui continue, malgré tout, de me soutenir, alors que le sol s'est dérobé sous mes pieds, et qui m'accorde l'espérance dans une situation désespérée. Dieu n'est pas la réponse automatique face au mal. Mais au cœur de la souffrance, je pressens Dieu qui, en Jésus-Christ, a assumé la souffrance, au point de devenir lui-même un Dieu souffrant.

    Anselm Grün - Réponses aux grandes questions de la vie - DDB 2009 pp.166-167