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gaudium et spes

  • la libre initiative du Père

    85. Il est exact que le christianisme n'est pas le fruit d'un effort humain, qu'il n'est pas une " religion " au sens où Marx dit que "c'est l'homme qui fait la religion " : il est le résultat d'une libre initiative du Père, qui veut entrer en communion avec nous, ainsi que le rappelle la constitution Dei Verbum, n° 2.

    Il est vrai, du même coup, que le lieu privilégié de la manifestation de notre Dieu, ce n'est pas d'abord le cosmos (comme dans les religions naturalistes), ni même la conscience (comme dans les piétismes), mais bien l'histoire humaine, où se manifeste à nous le Fils unique devenu chair. La foi est l'accueil de cet événement;

    Il est vrai, par conséquent, que le lien instauré entre le Père et chacun de nous n'est pas un sentiment inné de sujétion à une Grandeur, mais une Alliance, c'est-à-dire un amour rencontré et accueilli, une prédilection impossible à déduire ; l'homme religieux éprouve une déférence pour la puissance qu'il soupçonne, le chrétien se reconnaît choisi par une Tendresse insoupçonnée.

    Il est vrai encore que la foi authentique est un acte libre, personnellement consenti, une réponse consciente à une vocation perçue, et non une pure intégration de fait à une religion "sociologique" ; une adhésion plus qu'une adhérence. Vatican II se félicite d'ailleurs de ce que la société nouvelle "exige une adhésion 86. de plus en plus personnelle et active à la foi" (Gaudium et spes n° 7.3). 

    Il est vrai, enfin, que le Christ instaure la critique de la religion, qu'il dépasse la scission du sacré et du profane, qu'il établit le culte en esprit et en vérité, c'est-à-dire le sacerdoce spirituel que le croyant offre lui-même en tous temps et en tous lieux, par l’exécution amoureuse de ses moindres gestes quotidiens. La constitution Lumen Gentium vient aussi de le rappeler (n° 10 et 34). Il est vrai que le Christ  ne vient pas créer un homme religieux : il se présente comme l'Homme tout court, dans sa vocation intégrale (Gaudium et spes, n° 11.1 ; 57.1) ; qui le suit ne devient pas un autre homme, mais plus véritablement homme (ibid., n° 41.1)

    André Manaranche - Je crois en Jésus-Christ aujourd'hui - Seuil, 1968