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fidélité

  • Car toujours dure longtemps

    (...) Écoutons le reproche adressé par le Seigneur à ceux qui se prétendent ses fidèles :

    "Votre amour ressemble à la nuée matinale,

    A la rosée qui se dissipe de bonne heure." (Osée 6,4)

    Autrement dit : vous commencez, et vous ne durez pas ; vous venez, et vous repartez. Assiduité d'un matin, ou tout au plus d'un jour !

    Il n'est pas difficile, en effet, de dire : " Je t'aime." La difficulté commence quand on dit : "pour toujours", et surtout lorsqu'il s'agira de le réaliser. Car "toujours" dure longtemps. Tant que l'attrait exercé par l'aimé demeure vif, on reste attaché à lui sans effort ni peine. Mais pour que l'attrait ne diminue pas à mesure que se révèlent "les réalités de l'existence", celui qui aime devrait pouvoir le renouveler, pour le maintenir au moins dans sa teneur initiale. Artifice de l'amour ? Non, mais tout simplement vérité. Car ce qui hier vous attirait avec raison mérite de vous attirer encore aujourd'hui, si vous avez la force de vous élever du caprice à la fidélité, des récriminations aux mélodies.

    Personne ne voudrait dire : " Je ne puis aimer "; mais chacun risque d'en arriver, un jour  ou l'autre, à dire : "Je ne puis plus l'aimer." Car, pour aimer toujours un même objet, il faut avoir une source au fond de l'âme. Il faut, à la fois, la force de se souvenir et la force de créer. Il faut inventer chaque jour ce qui doit durer chaque jour. Aimer peut être, parfois, une faiblesse; mais durer dans l'amour ou l'amitié est toujours une générosité, une victoire.

    "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu " : ce précepte n'ordonne rien de particulièrement ardu. Mais que, durant toute la durée de notre existence, chaque jour il s'impose, toujours pareil, voilà qui devient un tour de force. Pour réussir ce tour de force, peut-être suffirait-il de très peu ? Comme il en faut très peu pour entretenir un feu de bois dans la forêt. Pourtant ce peu dépasse nos forces. Si donc l'attrait de l'amitié divine perd de sa vivacité, si la noire malice de la monotonie nous accable, il n'y a qu'un moyen de dépasser le plat et de se remettre dans la montée : la prière. Par conséquent, pour durer dans l'amitié divine, il faut durer dans la prière.

     

    Père Jérôme, Écrits monastiques, Editions du Sarment, 2002 

     

  • La prière du disciple (2)

    Si l'on aime et si l'on veut être aimé, avant tout il faut passer son temps près de l'ami, sous ses yeux, à portée de la voix. Face à face, ou côte à côte, mais tout proche. Vous direz : quand la proximité se prolonge, n'arrive t-il pas qu'elle déçoive et qu'elle lasse ? Les cœurs épais, peut-être, parce qu'ils ne savent ni créer ni offrir ; les cœurs qui ne savent que consommer. Mais ceux-là, qui viendraient-ils faire dans la vie contemplative ?

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  • comme un saumon hors de l'eau

    Frère, un saumon qui frétille au soleil, transpercé par le harpon qui le maintient hors de l'eau, ne se demande pas si le harpon est tenu ou non par une main, et par quelqu'un qui est plus puissant que lui. Durant de longues années j'ai été comme ce saumon, et je sais bien que ce n'est pas une puissance créée qui tenait le harpon, ni le hasard qui menait avec moi un jeu si bien calculé.

    Depuis, je suis revenu au bon gros régime de la foi : la marche avec les solides brodequins cloutés. Je sais aussi que, tout compte fait, ce régime constitue la plus grande des grâces. Ceux qui n'ont pas connu la situation du saumon s'ennuient parfois de la marche à pied : ils ont bien tort...! Et pourtant !

    Petit frère, je ne me gonfle pas ; surtout pas devant vous. Je suis bien médiocre, et j'en ai vive conscience. Mais je ne veux que répondre à votre poème, non me confesser. En gros, j'ai tenu dans cette intimité certaine, par une prière, rarement facile, mais fidèle. J'étais construit pour la fidélité. Bien sûr, et cela fait une différence énorme, je sais que ma prière ne tombe jamais dans le mou, je sais que mes stations à l'église ne sont jamais inutiles ; je sais qu'il y a, de la part de Dieu vivant, attention, intérêt envers ma prière, et, si je puis dire, oeuvre commune à Lui et à moi, pour le règne de Dieu. Ma persévérance va de soi, elle est facile, encourageante; bien que ma prière soit une suite d'efforts pour répéter mes quelques formules, et que j'aie, tous les soirs, bien mal aux genoux. Je sais que, selon les habitudes du Seigneur, je ne dois plus recevoir les grâces par grosses vagues déferlantes comme autrefois ; au régime ordinaire, je dois pouvoir tenir.

    Par une réaction naturelle, je cherche à entrer en rapport avec d'autres, qui ont vécu de telles aventures. j'en ai rencontré. Il suffit de peu de paroles pour être merveilleusement encouragé.

    Par contre, lorsque j'entends dire : " Ces oraisons prolongées, ça ne sert à rien", je sais que c'est  par là que tout commence et que tout se maintient, puisque Dieu veut une amitié, et que la Présence est la loi de l'amitié. (...) Notre vocation est de connaître Quelqu'un, de savoir lui parler, de pénétrer ses projets sur les hommes et de les faire nôtres. Or ce Quelqu'un ne se laisse pas traiter comme une chose ! Mais si on est généreux envers lui, il donne un bonheur personnel que rien d'autre ne donne. (...)

    Lettre  du P. Jérôme au frère Nicolas (extrait) du 6 mars 1976

    Père Jérôme, Écrits monastiques, Editions du Sarment, 2002