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christian bobin

  • Pape François

    Voici un extrait de l'entretien avec Christan Bobin, écrivain (je devrais dire "artisan en écriture"), paru dans la Croix du 16 et 17 mars. 

    A la question : Que pensez-vous du choix de ce nom de pape (voir note) ? Voici ce que Christian Bobin  répond :

    Un prénom est une force endormie posée sur le crâne du nouveau-né. Très souvent, les personnes ressemblent à leur prénom qui leur donne une orientation inconsciente, comme clandestine. L'homme qui vient de naître sous nos yeux, puisque c'est naître que de prendre un autre prénom, est déjà poussé par le choix qu'il vient de faire lui-même. Ce pape François dégage une autorité que nous découvrirons peu à peu. J'ai souri en voyant cet homme réussir, par une prière, à imposer le silence à toutes les télévisions du monde. Ce sourire est resté longtemps en moi. L'humilité patente de son discours et de ses premiers gestes n'est pas contradictoire avec une grande force. Le message de François d'Assise demeure le rêve d'une fraternisation avec d'autres civilisations. C'est aussi le rêve d'une langue si juste qu'elle se hisse au sommet de la poésie. Le Cantique des Créatures de François d'Assise est l'un des plus beaux joyaux de la poésie de tous les temps. N'oublions pas qu'il tutoie sa soeur la mort à la fin. N'oublions pas non plus ce langage ouvert aux animaux, aux éléments, au ciel, ni cette manière de tout rassembler, le murmure du tremble, le petit cri de panique d'une buse qui s'envole à notre venue, la prière désespérée pour les pauvres et les enfants. Il est heureux qu'un pape prenne ce nom-là. Comme s'il relevait un défi. Comme s'il relançait la partie. 

     

    Note : Le cardinal Jorge Mario Bergoglio, archevêque de Buenos Aires, a été élu Pape et a pris le nom de François ce mercredi 13 mars 2013.

     

      

  • Il est né parmi nous

    Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? demandent les mages venus d'Orient. Quand le Fils éternel du Père vient vivre avec nous, on ne peut pas dire qu'il force les portes : sur notre terre, sa première condition est celle d'un petit émigré dont on ne veut pas à la maison ; Il est venu chez les siens et les siens ne l'ont pas reçu. Si nous avions dû mettre en scène l'incarnation d'un Dieu qui parle aux hommes, nous l'aurions sans doute située au temple ou dans un palais royal, comme l'imaginaient les mages venus d'Orient. Les Évangiles nous le présentent à Bethléem, loin de ces fastes, dès le début mis à l' écart dans un abri de bergers. Pourquoi cela ?

    Si le Fils de Dieu était apparu dans la gloire d'un sanctuaire, nous aurions sans doute cru qu'il était d'abord venu pour les prêtres et tout ce qui touche de près ou de loin au monde religieux, comme certains le pensent encore. S'il  avait parlé du haut d'un trône royal, il aurait laissé croire  qu'il venait pour les grands de ce monde - et Dieu sait  qu'au long de l'histoire beaucoup d'entre eux ont prétendu asseoir sur lui leur puissance. Mais les choses ne se sont pas passées ainsi. Dieu s'est manifesté dans la vie de gens très ordinaires et pauvres, déplacées par décret, comme tant de familles côtoyées de nos jours. Il a même définitivement lié son visage à celui d'un nouveau-né, couché dans une mangeoire, et les textes précisent sans ambages : Voilà le signe qui vous est donné. Oui, tel est le lieu où Dieu se donne à reconnaître. C'est un comble, du jamais vu !

    Par là, Dieu annonce clairement et de façon indiscutable que sa Parole devenue chair est destinée à tout homme et que son amour ne connaît aucune frontière. Comprenons-le : le Très-Haut se révèle au plus bas, car il ne veut exclure  personne. Pour n'être récupéré ni par le clergé, ni par les princes, ni par quelque caste que ce soit, il s'identifie aux plus petits. Et pour être absolument sûr qu'on ne trouve pas plus petit que lui, il devient le « Très-Bas » (Christian Bobin), et se place au-dessous de l'échelle humaine,  puisqu'il choisit comme gîte la mangeoire d'un animal. De cette façon, il est assuré de pouvoir rejoindre tout le monde, jusqu'au plus démuni d'entre les démunis, jusqu'au plus désemparé. Le Créateur qui, avec amour, a façonné l'homme et la femme à son image, nous donne en 1 Jésus un sauveur qui se tient au plus proche de ceux dont la condition est fragile, sous-humaine, de ceux dont la vie risque de se perdre.

    Ainsi quiconque, quelles que soient son histoire, sa situation, ses déchirures, est assuré que Dieu veut non seulement lui parler mais se faire proche et partager son existence. Le signe de Dieu à Bethléem est un enfant emmailloté et couché dans une mangeoire (Lc 2, 12). Jésus se manifeste dans la pauvreté, les mains vides, il est emmailloté comme un cadeau offert, parce qu'il n'a rien d'autre à donner que lui-même. Mais en lui est la vie, écrit saint Jean (1, 4). De la sorte, par lui et en lui, la vie même de Dieu pénètre l'histoire humaine, l'histoire de chacun: Le Verbe était la vraie lumière qui en venant dans le monde illumine tout homme (Jn 1, 9)

     Bernard Rey - La discrétion de Dieu - Cerf 1997, pp.41-43