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François Cassingena-Tréverdy - Page 2

  • Lectio 2

     

    (...) et la lectio divina plus que tout autre - est un acte ; c'est un travail, et même un travail agricole ! Si la lectio divina ne t'a pas encore captivé, c'est que tu n'es pas encore devenu un laboureur...

     

     

    François Cassingena-Trévedy - "Quand la Parole prend feu"

    abbaye de Bellefontaine 1999/2007.    p. 20           

     ISBN 978-2-85589-086-9 

    François Cassingena-Tréverdi est moine de Ligugé : www.abbaye-liguge.com

  • Lectio 1

    Chaque matin donc, tu peux te demander : " Ai-je vraiment faim de la Parole de Dieu ?" Si la simple perspective de la lectio divina n'éveille pas en toi l'appétit, c'est que tu es malade ; l'inappétence en effet est un symptôme de maladie.

    François Cassingena-Trévedy - "Quand la Parole prend feu"

    abbaye de Bellefontaine 1999/2007.    p. 18           

     ISBN 978-2-85589-086-9 

    François Cassingena-Tréverdi est moine de Ligugé : www.abbaye-liguge.com

  • Au Jardin des Ecritures

    Il faut absolument acquérir et entretenir en nous, pour parvenir à la véritable lectio divina, une mentalité de destinataire, c'est-à-dire être bien persuadé que l'Ecriture nous est personnellement adressée. Tant qu'une telle persuasion ne s'est pas développée en nous, il n' y a pas de vraie lectio divina, ou celle-ci ne se dégage pas encore vraiment d'une lecture profane. La lectio divina en effet, comme la réception des sacrements, comme l'oraison mentale, quoique d'une façon qui lui est spécifique, est le lieu d'une rencontre personnelle avec "Celui-qui-te-parle" (Jn 4,26 ; 9,37). A la lecture livresque, superficielle, doit alors se substituer une lecture-contact, une lecture-rencontre. 

    "Ecrit pour moi", cela signifie donc trois choses. Premièrement que je suis le destinataire de l'Ecriture ; en termes d'anthropologie biblique, cela signifie que Dieu me "parle au coeur" :

    Je vais la séduire

    Je la conduirai au désert

    et Je parlerai à son coeur (Os 2,16)

    Et le texte se poursuit ainsi :

    elle répondra comme aux jours de sa jeunesse (Os 2,17) 

    La "lettre du Dieu tout-puissant à sa créature" appelle une réponse. Aux premiers jours de notre conversion, aux "jours de notre jeunesse", nous répondions peut-être avec émerveillement et enthousiasme ; la lectio divina était pour nous chose désirée et douce. Avec le temps peut-être est-elle devenue pour nous un exercice obligé, une formalité sans attraits. Celui qui nous avait écrit nous avertit alors secrètement : "J'ai contre toi que tu as perdu ton premier amour..." (Ap 2,4). Le Seigneur nous ouvre chaque matin le jardin de ses Ecritures et une voix intérieure nous y crie, comme à Augustin dans le jardin de Cassicianum : "Prends, lis ! Prends, lis !" Bien mieux encore que saint Benoît au Prologue de sa Règle, le Seigneur peut nous dire : " Ad te ergo nunc mihi sermo dirigitur..." Il quête de nous un regard d'attention : "C'est à toi que Je parle".    

     

    François Cassingena-Trévedy - "Quand la Parole prend feu"

    abbaye de Bellefontaine 1999/2007.    pp. 14-15           

     ISBN 978-2-85589-086-9 

    François Cassingena-Tréverdi est moine de Ligugé : www.abbaye-liguge.com

     

     

  • Artisanat de la Parole (1)

    " (...) la lectio divina, voyez-vous (ce à quoi, en somme, notre bon Siracide passait le plus clair de son temps), c'est un métier. Précisons même : c'est un métier artisanal, c'est bel et bien un artisanat. C'est pour le dire plus joliment et le plus sérieusement possible, l'artisanat de la Parole; non pas la restauration d'un livre ancien, vous entendez bien, mais l'artisanat de la Parole. Une Parole qui vit, qui travaille, qui résiste, qui réagit ; la plus somptueuse Matière première qui existe. On parle en littérature médiévale de "matière épique" : eh bien ! la Parole de Dieu (à la fois logos et épos), c'est la Matière première de notre lectio divina, laquelle est notre métier artisanal quotidien et notre gagne-pain à nous, moines. Et dites-moi, quel Pain ! A tout métier il faut une matière : notre matière à nous, c'est l'Ecriture vive. Boulanger la Parole de Dieu, la Pâte de Dieu, jour et nuit, voilà notre métier. Oh ! comme il a raison notre Siracide [l'auteur de cette conférence fait référence à Sir. 38, 26-39,7)] à la suite du paysan, du forgeron, du potier ! c'est qu'il a de la matière lui aussi, et du coeur à l'ouvrage... Du coeur : retenons cela aussi car, entendu dans la plénitude de son sens biblique, le coeur est tout l'instrument de ce métier qui est le nôtre.  (...) Au vrai, tout cela est on ne peut plus "artisanal". La lectio divina rentre certainement dans la notion d'ars spiritualis, "d'art spirituel" évoquée par Benoït à la fin du chapitre IV de sa Règle sur les "instruments" des bonnes oeuvres, parmi lesquels il range précisément la lecture spirituelle ; mais la lectio n'est pas seulement un instrument parmi d'autres de l'ars spiritualis : elle tend à se confondre avec lui. Quand à l'atelier propre à cette lecture artisanale (et artiste), c'est la cellule, laquelle n'est pas un pied-à-terre, mais un pied-au-ciel, un "méditoire" et un petit meublé du Seigneur. Et de même que la cellule est l'officine de cette alchimie du Verbe, le Silence en est l'ingrédient principal. Sans le Silence ni la saine concentration de la cellule, on ne confectionne rien de bon et les meilleures recettes s'avèreront vite bien inutiles là où fait défaut par ailleurs l'inclination foncière et habituelle du coeur (cf. Reg. Ben, Prol. " Inclina aurem cordis tui...")  la tendance centripète qu'il faut sans cesse contrôler, sans cesse entretenir.

    François Cassingena, Lettre sur la Lectio divina  

    F. Cassingena, ancien de Normal sup, est moine à l'abbaye de Ligugé.