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Artisanat de la Parole (1)

" (...) la lectio divina, voyez-vous (ce à quoi, en somme, notre bon Siracide passait le plus clair de son temps), c'est un métier. Précisons même : c'est un métier artisanal, c'est bel et bien un artisanat. C'est pour le dire plus joliment et le plus sérieusement possible, l'artisanat de la Parole; non pas la restauration d'un livre ancien, vous entendez bien, mais l'artisanat de la Parole. Une Parole qui vit, qui travaille, qui résiste, qui réagit ; la plus somptueuse Matière première qui existe. On parle en littérature médiévale de "matière épique" : eh bien ! la Parole de Dieu (à la fois logos et épos), c'est la Matière première de notre lectio divina, laquelle est notre métier artisanal quotidien et notre gagne-pain à nous, moines. Et dites-moi, quel Pain ! A tout métier il faut une matière : notre matière à nous, c'est l'Ecriture vive. Boulanger la Parole de Dieu, la Pâte de Dieu, jour et nuit, voilà notre métier. Oh ! comme il a raison notre Siracide [l'auteur de cette conférence fait référence à Sir. 38, 26-39,7)] à la suite du paysan, du forgeron, du potier ! c'est qu'il a de la matière lui aussi, et du coeur à l'ouvrage... Du coeur : retenons cela aussi car, entendu dans la plénitude de son sens biblique, le coeur est tout l'instrument de ce métier qui est le nôtre.  (...) Au vrai, tout cela est on ne peut plus "artisanal". La lectio divina rentre certainement dans la notion d'ars spiritualis, "d'art spirituel" évoquée par Benoït à la fin du chapitre IV de sa Règle sur les "instruments" des bonnes oeuvres, parmi lesquels il range précisément la lecture spirituelle ; mais la lectio n'est pas seulement un instrument parmi d'autres de l'ars spiritualis : elle tend à se confondre avec lui. Quand à l'atelier propre à cette lecture artisanale (et artiste), c'est la cellule, laquelle n'est pas un pied-à-terre, mais un pied-au-ciel, un "méditoire" et un petit meublé du Seigneur. Et de même que la cellule est l'officine de cette alchimie du Verbe, le Silence en est l'ingrédient principal. Sans le Silence ni la saine concentration de la cellule, on ne confectionne rien de bon et les meilleures recettes s'avèreront vite bien inutiles là où fait défaut par ailleurs l'inclination foncière et habituelle du coeur (cf. Reg. Ben, Prol. " Inclina aurem cordis tui...")  la tendance centripète qu'il faut sans cesse contrôler, sans cesse entretenir.

François Cassingena, Lettre sur la Lectio divina  

F. Cassingena, ancien de Normal sup, est moine à l'abbaye de Ligugé.

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