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L'Ascension, Dieu, le Ciel

La vie chrétienne est une vie qui tend au ciel, et l’on peut dire que c’est un ciel commencé sur la terre. Pour comprendre cela il faut savoir ce que l’on met sous le nom de ciel ; il faut savoir que le ciel, en tout les sens que ce mot peut avoir dans l’ordre spirituel, c’est la demeure de Dieu.

Le ciel matériel est le symbole de cette demeure de Dieu pour deux raisons. La principale, c’est que c’est du ciel matériel que nous vient la lumière matérielle, comme dans l’ordre spirituel c’est de Dieu que vient toute lumière spirituelle ; c’est donc premièrement à titre de source de lumière que le ciel corporel symbolise la demeure de Dieu, l’endroit où Dieu réside. Le ciel corporel, le ciel des astres, symbolise encore la demeure de Dieu, parce que sa très grande régularité, qui nous apparaît comme une stabilité parfaite par opposition à tous les changements que nous voyons sur la terre, cette régularité qui nous apparaît comme stabilité est le symbole de l’éternité, de l’immutabilité divine. Comprenez bien ce que je dis. J’ai bien eu soin de dire : la régularité du ciel qui nous apparaît comme stabilité ; car il est parfaitement certain que dans le monde matériel rien n’est stable et rien n’est éternel ; mais par rapport à tous les changements que nous voyons proches de nous sur la terre, la régularité des révolutions célestes, que nous retrouvons les mêmes non seulement d’année en année mais de siècle en siècle, nous paraît comme symbole de l’éternité.

Le ciel au sens spirituel, c’est donc là où l’on peut trouver Dieu dans sa lumière et dans son éternité, dans sa vie éternelle.

Aussi le ciel au sens le plus fort, dans l’ordre spirituel, c’est Dieu Lui-même. Ce n’est rien de créé, c’est Dieu même, parce que c’est en Dieu même que Dieu vit, parce que sa vie est intérieure, comme l’est du reste profondément toute vie de pensée et d’amour. Si nous demandons : où Dieu est-il surtout ? laissons de côté les images spatiales et disons : Dieu est en Lui-même, Il est en sa pensée, en son amour. Bien plus qu’il n’est vrai de dire que notre âme est en elle-même, expression qu’on emploie quand on dit qu’il faut rentrer en soi-même, revenir en soi-même, il faut dire que Dieu vit en Lui-même.

Donc, tendre au ciel, c’est par excellence tendre à entrer parfaitement en Dieu, à entrer dans la vie intérieure de Dieu, en communiant à sa propre pensée, à la pensée de Dieu, et à son amour. Entrer au ciel, au sens le plus fort du mot, c’est en effet voir Dieu à découvert, sans ombre, communier directement à sa propre vie. Et cela est le parfait bonheur, parce que Dieu est en Lui-même perfection infinie, beauté splendide, joie parfaite, bonté jamais tarie. Communier à la vie intérieure de Dieu, c’est être à la source même de toute perfection et de toute joie.

Si, lorsqu’on parle aux chrétiens d’aller au ciel, de préparer leur ciel, d’assurer leur ciel, ils entendent simplement assurer après la mort une vie moins désagréable que celle-ci, où l’on aura accumulé tout ce que l’on peut imaginer de bonheur dans cette vie-ci, il est parfaitement évident qu’ils ne comprennent pas ce que l’on veut dire. Le ciel n’est absolument pas une vie terrestre dont on aurait retiré tous les inconvénients et toutes les peines, où l’on se satisferait d’une accumulation des mêmes joies humaines que l’on peut rencontrer partiellement ici-bas. Si, en parlant du ciel, les uns entendent, comme le Christ et l’Église, ce que nous venons de dire, à savoir la vie intérieure de Dieu, et les autres entendent cette accumulation de bonheurs humains que nous venons de décrire, il est parfaitement certain qu’on prolonge un dialogue de sourds ; on emploie le même mot, mais on ne se comprend pas.

Pour désirer le ciel, au vrai sens du mot, il faut, au-dessus de tous les biens finis, quels qu’ils soient, désirer Dieu, puisque le ciel, je le répète, n’est pas l’accumulation de biens finis, mais Dieu. Éveiller le désir du ciel dans une âme, ce n’est donc pas éveiller le désir de certaines satisfactions terrestres ; c’est éveiller le désir de la Vérité infinie, éveiller le désir de la Beauté qui dépasse toute beauté particulière, éveiller le désir de l’amour parfait, de l’amour du Bien sans bornes.

Le ciel spirituel, c’est donc surtout et parfaitement Dieu Lui-même dans sa vie intérieure. Ce sont encore les esprits finis, anges et âmes humaines, quand ces esprits finis communient à la vie de Dieu. Puisqu’alors cette vie de pensée et d’amour divin, qui est principalement en Dieu, est aussi partagée par ces esprits, ils sont demeure spirituelle de Dieu dans la mesure où ils communient à la vie divine, où Dieu réside spirituellement en eux.

Tendre au ciel, c’est donc aussi tendre à la société des bienheureux, à la société des bons anges et des Saints. Mais attention ! là encore rectifions bien nos idées : le ciel, c’est la société des anges et des saints non pas principalement en tant que ce sont des personnes d’agréable société, charmants à tous points de vue ; c’est la société des anges et des saints en tant que ces esprits sont remplis de Dieu même. À ce point de vue là, si le ciel, par exemple, c’est surtout la société de la très sainte Vierge, c’est tout simplement parce que la très sainte Vierge est la créature la plus remplie de Dieu.

Ce que nous disons là nous permet tout de suite d’entrevoir que la vie chrétienne sur la terre, quand elle est vraiment menée comme elle doit l’être, est déjà un ciel commencé. C’est un ciel commencé non seulement parce que nous avons déjà par la Révélation, par la foi, une certaine connaissance des vérités sur Dieu ; mais c’est le ciel commencé, parce que, Notre-Seigneur nous l’a dit, dans les âmes qui aiment Dieu vraiment par-dessus tout, dans les âmes qui font la volonté de Dieu, la Très Sainte Trinité vient dès maintenant habiter : « nous viendrons », dit Notre-Seigneur en parlant des Personnes divines, nous viendrons dans cette âme qui fait la volonté de Dieu, « et nous établirons notre demeure en elle ». La présence de la Très Sainte Trinité dès maintenant dans notre âme, c’est cela qui est le meilleur, le vraiment divin, proprement divin de la vie surnaturelle ici-bas.

Mais là, faites attention qu’il faut aussi bien comprendre cette vie de la Très Sainte Trinité dans l’âme en état de grâce.

D’une certaine manière Dieu, et par conséquent la Très Sainte Trinité, puisque Dieu est Trinité, d’une certaine manière Dieu est présent partout et en toutes choses. Il est présent partout et en toutes choses par ceci que, s’Il ne maintenait pas les créatures dans l’être, dans l’existence, tout rentrerait dans le néant. Dieu n’a pas seulement créé le monde, Il ne lui a pas donné l’être seulement au premier instant de son existence ; le monde a autant besoin de l’action divine pour se tenir dans l’existence que pour être mis dans l’existence ; le monde n’a pas l’existence par lui seul, il n’existe pas sans Dieu, cela est vrai à tout instant et pas seulement au premier. Donc il faut bien que Dieu soit présent au plus profond de n’importe quelle réalité finie pour que cette réalité finie existe, se maintienne dans l’existence et croisse.

Mais quand on dit que la Très Sainte Trinité vient habiter dans l’âme en état de grâce, on veut dire infiniment autre chose que cela. En effet, puisque Dieu est partout comme créateur et conservateur de l’être, à ce titre-là, c’est-à-dire opérant cet effet-là, Il est aussi bien dans l’âme qui n’est pas en état de grâce, même dans l’âme du criminel, que dans l’âme sainte ; Il maintient ces créatures-là dans l’existence. C’est donc tout autre chose qu’on veut dire quand on dit que la Sainte Trinité vient habiter dans les âmes en état de grâce. Cela signifie que dans l’âme en état de grâce et d’amitié avec Dieu, dans l’âme qui répond à la volonté de Dieu, dans cette âme-là, la Très Sainte Trinité vient pour des rapports d’amitié. Elle vient : cela ne veut pas dire qu’elle se déplace ; cela veut dire que, tandis qu’ailleurs elle ne fait que maintenir dans l’existence, là elle est à un titre nouveau, elle est pour s’offrir à des rapports d’amitié.

Même dans le langage courant et en ce qui concerne les rapports entre les hommes, nous employons des expressions qui distinguent nettement ces deux sortes de présence. En effet, de quelqu’un qui est là tout près de nous physiquement nous pouvons dire : mais il est très loin aujourd’hui, il est bien loin, où est-il donc ? Quelqu’un qui est là à côté de nous, mais qui n’entretient pas actuellement des rapports spirituels avec nous, qui ne s’offre pas à la prise de notre amitié, nous disons de lui qu’il reste lointain. Cela ne veut pas dire qu’il est à tant de kilomètres ; cela veut dire que spirituellement il n’est pas, en ce moment-ci, en relation d’affection et d’amitié avec nous. On dit au contraire, à l’inverse, de quelqu’un qui est très attentif à tout ce qu’on lui dit, à tous les besoins qu’on lui expose, qu’il est très présent ; et de quelqu’un qui a cela à l’égard de tous ceux qui viennent à lui on dit qu’on le trouve toujours présent.

Eh bien ! la Sainte Trinité reste lointaine en ce sens-là pour des âmes qui ne répondent pas à l’amour divin. La Sainte Trinité ne demande qu’à se communiquer d’amitié ; mais, si l’âme se refuse à cette amitié, Dieu est là de sa présence de Créateur, tandis qu’Il reste lointain parce qu’Il ne se donne pas spirituellement. Au contraire, si l’âme s’ouvre à l’amour divin, la Sainte Trinité lui devient présente d’une présence d’amitié, et l’âme qui vit avec Dieu ainsi présent en elle est dès ici-bas un ciel, habitation spirituelle de Dieu.

Voilà donc ce que veut dire l’affirmation que la vie chrétienne, la vie surnaturelle tend au ciel, et qu’elle est déjà un ciel commencé sur la terre.

 

D-J. Lallement – La connaissance de Dieu – Ed. Téqui

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