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Conseils pour l'oraison 04 : Présence à Dieu

Je partage votre impression que votre vie spirituelle en ce moment plafonne. Après avoir réfléchi et prié, je suis arrivé à la conviction qu'il en sera ainsi tant que vous ne ferez pas, dans votre vie, une plus large place à la prière. Et par prière j'entends essentiellement ce qu'il est convenu d'appeler oraison mentale

 

 

 

Oraison, de oratio. "Orare c'était pour les Romains, adresser une prière aux dieux, plaider une cause et en un sens dérivé, faire un discours." L'oraison mentale est un entretien de l'âme avec Dieu. C'est ainsi que les spirituels l'ont toujours comprise. " L'oraison, oserais-je dire, est une conversation avec Dieu ", écrivait Clément d'Alexandrie. Pour saint Benoît, c'est " vaquer à Dieu ". Pour sainte Thérèse d'Avila, l'oraison mentale est " un commerce d'amitié où l'on s'entretient seul à seul avec ce Dieu dont on se sait aimé ". Pour Dom Marmion : " Un entretien de l'enfant de Dieu avec son Père des cieux, sous l'action du Saint Esprit."

   Ces mots de conversation et d'entretien risquent pourtant de favoriser une équivoque, en laissant croire que l'oraison consiste essentiellement à parler intérieurement à Dieu. Or elle est un acte vital, qui nous engage tout entier. 

   Une expression, à la condition de lui donner toute sa densité de sens, traduirait assez bien l'activité intérieure de l'homme qui prie : être présent à Dieu. Permettez-moi, pour vous faire saisir ma pensée, d'évoquer un événement qui a dû rester très vivant en votre mémoire. J'étais allé vous rendre visite. En m'ouvrant la porte, vous m'apprenez que votre fille a très probablement une méningite, et me conduisez dans sa chambre, plongée dans une demi-obscurité. Votre femme est assise auprès du petit lit, silencieuse, intensément attentive à ce pauvre visage émacié ; parfois elle écarte doucement une mèche de cheveux ; quand l'enfant ouvre les yeux, elle lui répond par un sourire - cette sorte de sourire que les mots ne peuvent décrire. Qu'elle mette de l'ordre dans la chambre ou qu'elle prenne hâtivement son repas dans la pièce voisine, la mère reste présente intensément, à sa fille. Pas une fibre de son être, pas une seconde de sa vie qui ne soit orientée vers son enfant. 

Ainsi en est-il, ou du moins devrait-il en être de l'oraison : une orientation profonde de l'âme, un échange au-delà des mots qui, sans négliger la parole, est fait de bien autre chose, une attention, une présence à Dieu de tout l'être, du corps et de l'âme, de toutes les facultés en éveil.

Dois-je m'attarder à plaider auprès de vous la cause de l'oraison ? J'ai tout lieu de penser qu'elle est gagnée d'avance, que vous n'êtes pas de ces chrétiens si nombreux qui refusent d'en reconnaître la nécessité. Je ne vous cacherai pas que je me sens mauvaise conscience quand je dois multiplier les arguments pour inviter des fils de Dieu à venir près de leur Père, s'ouvrir à ses confidences, vivre dans son intimité, lui exprimer amour et gratitude. N'est-ce pas étrange qu'il faille insister pour que des êtres doués d'intelligence s'essayent à connaître Ce qu'il y a de plus intéressant ? pour que des êtres faits pour aimer aiment Ce qu'il y a de plus aimable ? pour que des êtres libres se mettent au service du Seigneur plutôt que des vassaux ? pour que des êtres créés pour le Bonheur ne se contentent pas de plaisirs minuscules ?

 

Texte tiré de "Présence à Dieu"  Henri Caffarel - 100 lettres sur la prière - Éditions Parole et Silence. 

 

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