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09. Le Christ au désert est tenté par Satan (1/2)

   Alors se passe, dans la carrière messianique de Jésus, un second acte, qui reste un des plus étonnants, et qui laisse deviner des aspects profonds du mystère. Jésus est en retraite au désert, tenté par Satan. C'est encore en un sens un épisode de la vie cachée, se produisant après que la manifestation semblait inaugurée. Car on ne voit pas que Jésus ait eu aucun témoin de ce qu'il a fait ni de ce qui lui est arrivé durant ces quarante jours. Néanmoins, il a voulu que ce fût connu de ses disciples  et, par là, quelque peu rendu public. Qui l'a dit, sinon Lui ? Qui eût osé élaborer de pareilles choses ? Est-ce qu'on n'est pas plutôt déconcerté par elles ? Les trois synoptiques cependant racontent cette affaire étrange. Regardons bien comment ils la présentent à leurs lecteurs, chacun suivant son style et son inspiration.

 

 

 

Mc 1,12-13 :

Aussitôt, l'Esprit l'exile au désert. 

Oui, il était vraiment dans le désert, quarante jours durant, tenté par Satan.

Il était même avec les bêtes sauvages.

Toutefois les anges le servaient.

 

Mt 4, 1-3 :

Alors Jésus fut emporté au désert par l'Esprit, pour être tenté par le Diable.

Aussi bien, ayant jeûné quarante jours et quarante nuits, après il eut faim.

C'est alors que le tentateur s'approchant, etc

 

Lc 4, 1-3 :

Jésus, tout plein du Saint-Esprit, se retira du Jourdain. Et, sous l'influence de cet Esprit, il fut retenu dans le désert,

quarante jours durant, tenté par le Diable.

Du reste, il ne mangea rien pendant ces jours-là. Aussi, lorsqu'ils furent écoulés, il eut faim. 

Or le Diable, etc

 

Les trois narrateurs ont l'intention de raconter les choses comme elles sont arrivées. Ils laissent, il est vrai, tout l'épisode dans une certaine imprécision. Mais celle-ci est un indice de sincérité, un respect du mystère. La retraite de Jésus et sa rencontre avec Satan sont, pour les évangélistes, une histoire vraie, et d'une portée considérable. Les modalités sensibles, les contours extérieurs sont estompés, tandis que le sens spirituel et profond transpire dans les trois récits. Seul en effet il importe ; mais il ne repose pas sur rien, il découle de faits réels.

Le désert est désigné partout avec l'article, comme s'il s'agissait d'un lieu bien connu des disciples. On peut penser au même désert, ou à un désert de même sorte que celui où Jean-Baptiste avait vécu.  Toutefois, le désert de Jésus, à en croire du moins le texte de Marc, semble avoir été encore plus sauvage que celui de Jean, et la retraite plus absolue. On imagine aisément Jésus se retirant dans les monts d'Ephraïm ou de Juda jusqu'à des lieux inhabités, rocailleux, ravinés, assez fournis en grottes naturelles, et peuplés seulement de bêtes sauvages. Marc ne craint pas de préciser que Jésus était en compagnie de ces bêtes-là, par conséquent loin de toute agglomération humaine. Il pouvait y avoir, sur ces hauts lieux, des aigles et des vautours ; des renards, des chacals, peut-être même des hyènes. Vivre ainsi, seul, jour et nuit, parmi les animaux de proie n'était pas de toute sécurité. Aussi, lorsque Marc écrit, tout de suite après, que les anges étaient au service de Jésus, peut-être veut-il simplement faire allusion à la protection providentielle qu'ils exerçaient naturellement autour du Bien-Aimé de Dieu. 

Marc ne parle pas explicitement du jeûne que Jésus pratiqua dans cette rigoureuse solitude. Il est possible qu'il le suppose par cette mention du service des anges : Jésus ayant fini de jeûner, ce service consisterait à lui apporter à manger, soit en produisant quelque miracle, ou en suscitant simplement quelque bonne rencontre.

Les deux autres évangélistes, Matthieu et Luc, insistent au contraire beaucoup sur le caractère prolongé et extrêmement rigoureux du jeûne de Jésus. Il aura beau, ensuite, ne pas faire jeûner ses disciples [Mc 2,18 ; Mt 9,14 ; Lc 5,33], et passer lui-même parmi ses adversaires pour un fort mangeur et pour un buveur de vin [cf. Mt 11,19 : Lc 7,34], ses confidents les plus intimes apprendront qu'il avait pratiqué au début de son ministère un jeûne plus absolu que n'avait été celui de Jean-Baptiste. Luc dit clairement que ce jeûne fut total. Le Fils de l'homme accomplit alors cette prouesse ascétique qui depuis s'est parfois renouvelée chez les saints et dont on dit clairement qu'il y a des exemples dans l'expérience humaine. Il voulut réduire son corps dans cette servitude, cependant que son âme se donnait toute liberté de penser et de prier, et de se livrer à sa plus haute activité d'esprit. Il voulut, six semaines durant, laisser sa chair se nourrir d'elle-même, la conduire ainsi, à moins d'un miracle, assez loin dans la maigreur, et connaître les affres de la faim. 

Il est poussé à cela, à cette retraite, à cette ascèse, " par l'Esprit ". Dans les Synoptiques, l'Esprit est écrit avec l'article, comme un nom propre, on peut même dire comme un nom de personne. C'est le même dont il vient d'être question au baptême et qui, dans l'apparition de la colombe, a fait le signe de s'abattre sur Jésus et même de demeurer sur lui, comme le quatrième évangile l'expliquera (cf. Jn 1,33). Dans cette affaire de la quarantaine au désert, l'Esprit fait figure de Quelqu'un d'aussi déterminé, d'aussi personnel que l'est aussitôt après le personnage antagoniste, celui que Marc appelle de son nom propre " Satan ", c'est-à-dire l'Adversaire, le Contradicteur, et que Matthieu et Luc nomment " le Diable ", avec majuscule et article, c'est-à-dire le Calomniateur, celui qui dénigre, celui qui accuse. L'évangéliste Matthieu a parfaitement saisi l'antagonisme des deux personnages et le drame de Jésus entre l'un et l'autre : hardiment il écrit dès la première phrase que Jésus est emporté en plein désert par l' Esprit pour être tenté par le Diable, comme si Jésus était pris littéralement entre l'Esprit et le Diable, et porté par le souffle même du divin Inspirateur sous la griffe du grand Accusateur. Luc exprime, lui aussi, ce drame, mais avec plus de précaution dans le tour de la phrase. Même chez Marc, " l'exil au désert ", comme il dit, est attribué à la motion de l'Esprit. Et si cette motion est, à cet endroit, si fort indiquée par les trois évangélistes, c'est la preuve qu'à leurs yeux l'acte est de toute première importance : le spectacle de Jésus tenté les émeut plus que celui de Jésus solitaire et jeûneur.

Nous nous demandons même s'ils ne veulent pas signifier que la tentation comme le jeûne, a eu lieu durant les quarante jours de la retraite. Marc semble le dire, encore plus que les autres. Il est vrai qu'il ne faut pas conclure trop de choses de son bref récit. Cependant, nous sommes frappés de ce que Luc, alors qu'il se rapproche de Matthieu dans le développement, semble se conformer à Marc dans l'abrégé qui insinue que la tentation se fait sentir les quarante jours. En tout cas, même Matthieu, qui paraît renvoyer la tentation à la fin de la quarantaine, dit nettement que Jésus ne fut porté au désert que pour cela. 

   Néanmoins, l'importance de la tentation n'atténue pas celle de la retraite. Si la tentation a été largement exposée par Matthieu et par Luc comme étant le reflet le plus vif de la retraite, elle ne doit pas faire perdre de vue la solitude.

 Jésus vivant en ermite, qu’est-ce à dire ? S’il se retire un moment de la société des hommes, c’est pour être pleinement homme. Il ne lui déplaît pas de vivre dans la nature, et dans la compagnie des fauves. Il jeûne de corps, mais donne à ses pensées un vaste et libre cours. Il applique sa mémoire aux écritures saintes et aux souvenirs les plus sacrés du passé : les mots de la Bible lui reviennent facilement, il les a ruminés au désert. Il se prépare également à ses futures œuvres, il tire ses plans pour l’avenir, il règle sa conduite devant les hommes comme ses attitudes et ses sentiments devant Dieu.

Il réfléchit, et il prie. Comme nous l’avons vu prier au sortir des eaux, nous le voyons prier sur les hauts lieux où l’Esprit l'a porté. Il vit comme il est, dans la présence et dans l’intimité de Dieu. Il vit aussi dans la rencontre et dans la compagnie des esprits. Sa solitude même les attire. Les mauvais le tente. Les bons le servent. Tout cela est rempli d’une grandeur singulière. Jésus est seul au désert, comme il sera, une nuit, seul au jardin. On ne peut nier qu’en de tels moments de sa vie il ne soit pleinement lui-même, dans toute la sincérité de sa condition, comme aussi dans toute l’étendue de son mystère. Il pense à nous, il prie pour nous.

Le plus grave, c’est la tentation. Elle est présentée comme étant l’événement le plus important après le baptême, et celui qui est capital pour l’orientation de la vie publique de Jésus. Tous les interprètes sont d’accord sur le caractère messianique de l’épreuve. À ce point de vue, elle est même, par rapport à l’événement qui l’a précédé, une manière de contre-épreuve. Le premier a été une sereine déclaration en faveur du messianisme véritable. Le second événement est une rude tentation à l’encontre de ce messianisme. Le désaccord dans l’interprétation se fait seulement sur le point de savoir si la tentation est venue du dehors, ou si elle a surgi du dedans.

Naturellement, l’exégèse rationaliste, qui ne croit que peu ou pas à l’existence de Satan et à la possibilité d’un assaut ou d’une apparition de sa part, incline à dire que tout s’est passé à l’intérieur de l’âme de Jésus. Tout a été purement psychologique, tout a été mental. Certes, on ne se prive pas de dramatiser la scène ; mais, par crainte de concrétiser, on idéalise à outrance. [Pour cette exégèse] Il n’y a plus ni Satan ni bons anges, ni de dialogue avec personne, ni de pinacle du Temple, ni de panorama de montagnes ; il n’y a plus qu’un homme aux prises avec lui-même, et traversé de sentiments contraires. Son désert, son jeûne, sa solitude l’ont mis dans un état de surexcitation. L’aventure dans laquelle il a la pensée de s’engager, et à laquelle il se sent poussé, se présente à lui comme un saut dans l’inconnu. Il a peur d’y mêler des satisfactions trop naturelles, d’y chercher de la vaine gloire, d’y assouvir quelque orgueil secret ou quelque volonté de puissance et d’empire. Tout ce qu’il y a en lui d’élevé, de pur et de saint, se fait des scrupules de ces périls qui le guettent ; et il entre en lutte contre ces tentations avec toute l’énergie de son vouloir. Sa nature d’homme est sortie, comme la nôtre, de la poussière de la terre ; elle n’est pas insensible aux sirènes de ce monde ; elle se dresse dans un grand combat pour demeurer fidèle à la Voix qui s’est fait entendre du ciel. La tentation ne serait que ce combat spirituel. La légende aurait subtilement transformé en une scène extérieure un phénomène tout intérieur.  Mais une pareille interprétation se heurte à l’ingénuité des documents, à la simplicité des faits.

En effet, qui, parmi les premiers chrétiens, aurait eu l’idée de mettre le Christ dans les mains de Satan ? Qui aurait pu monter une telle fable avec une telle habileté, au point d’en faire un tableau d’un art si réservé, si gradué dans la présentation, et d’une telle vérité psychologique ? Les évangélistes ne veulent pas conter une légende, mais relater une histoire vraie. Les textes sont précis et détaillés chez Matthieu et chez Luc. S’ils le sont moins chez Marc, c’est uniquement parce qu’ils sont restés très concis. Il est de bonne règle de les prendre comme ils sont, et de recevoir ce qu’ils disent. Rappelons qu’il ne perça, de ces mystérieuses rencontres, que ce que Jésus voulut bien en dire. Mais lui non plus, en faisant connaître ces choses, n’a pas voulu évoquer seulement des symboles. Replié au désert, seul avec son Père, et bien résolu, d’accord avec Lui, à se lancer dans la lutte pour la venue du Règne de Dieu, Jésus arrêtait en effet son plan de bataille. Il considérait les Puissances spirituelles contre lesquelles il aurait à combattre. Il savait que Satan était de la partie. Il laissa se poser sur lui la griffe du Tentateur. Certes, la tentation eut son retentissement à l’intérieur de l’âme de Jésus ; sans cela, elle ne serait qu’un simulacre. Mais, d’abord, elle fut extérieure, et elle vint d’une véritable confrontation avec Satan. Lisons nos textes en prenant Matthieu pour guide :

[Mt 4,3-11] :

Alors le Tentateur s’approcha de lui et lui dit : « Si tu es fils de Dieu, ordonne que les pierres qui sont ici deviennent des pains. » Mais lui répondit : « Il est écrit : ce n’est pas de pain seulement que vivra l’homme, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » C’est alors que le diable l’emmène à la Ville sainte. Il arriva même à le placer sur le pinacle du Hieron. Puis il déclare : « Si tu es fils de Dieu, jette-toi en bas. Il est écrit en effet : il donnera pour toi des ordres à ses anges ; ils te prendront sur leurs mains, de peur que tu ne heurtes ton pied contre une pierre. » Jésus lui répondit : « Il est écrit aussi bien : tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu. » Une autre fois le Diable l’emmène sur une montagne extrêmement élevée, et lui montre tous les royaumes du monde dans leur splendeur. Puis il lui dit : « Ces royaumes, à toi, je les donnerai tous, si tu tombes à terre jusqu’à te prosterner devant moi. » Alors, Jésus lui déclare : « Va-t’en, Satan, car il est écrit : c’est devant le Seigneur ton Dieu que tu te prosterneras, et à Lui seulement que tu rendras un culte ! » Alors, le Diable le laisse. Et voici qu’en effet des anges s’approchèrent, qui le servaient.

Voilà, d’après Matthieu, trois tentations dont chacune prend une forme distincte et se produit dans des conditions très particulières. D’après Luc, la troisième tentation devient la deuxième, et la deuxième passe en dernier. Mais ce n’est là, semble-t-il, qu’une différence de présentation. Luc montre toujours beaucoup de respect pour Jérusalem. Il appelle ici la Ville sainte, et en raison de cela il la fait passer à la fin. Selon toute apparence, l’ordre de Matthieu est le meilleur. Car, s’il y a un crescendo dans les tentations, il se traduit beaucoup plus vraisemblablement par le contenu que par le cadre de chacune d’elles. La première est une tentation de bonne chère ; la seconde, une tentation de vaine gloire ; la troisième, une tentation d’orgueil et de volonté de puissance.

   Nous sommes devant le fait, assurément plein de mystère. Dans sa vie d’homme, et notoirement dans le début de sa carrière messianique, Jésus a voulu subir des tentations. L’épître aux Hébreux le dit : « Nous n’avons pas un grand prêtre incapable de compatir à nos faiblesses, puisqu’il a eu part à toutes nos tentations, mais non pas au péché » (He 4,15) et « C’est parce qu’il a éprouvé la tentation qu’il est capable de porter secours à ceux qui sont tentés » (He 2,18).  Il s’est laissé faire, par Quelqu’un, des suggestions, des propositions, qui l’ont impressionné. Elles sont entrées dans son âme, elles ont frappé son imagination, suscité des idées dans son esprit. Ces suggestions étaient, par elle-même, de nature à le faire sortir de sa voie. Elles lui offraient un messianisme dans lequel il aurait pu, même sans péché, introduire la vie aisée, le faste, la conquête. C’était lui faire le portrait d’un Messie charnel, assez semblable à ce Messie qu’attendaient beaucoup de Juifs.

   Qui lui fait ce portrait ? Satan, le Diable, disent nos évangélistes, le même qui a déjà défiguré dans l’esprit de tant d’Israélites la pure image d’un Messie spirituel. Il est difficile de déterminer sous quelle forme Satan s’est présenté à Jésus et de quelle manière il lui a présenté les objets tentants. Certains interprètes inclinent à penser qu’il n’y a pas eu autre chose que des suggestions et des images, provoquées par le pouvoir qu’ont les esprits sur nos facultés sensibles. D’autres pensent que Satan se livre à des manifestations extérieures, en vertu de la licence qu’il a parfois de de le faire ; les textes, reconnaissons-le, penche plutôt de ce côté. On ne peut dire non plus, nous l’avons déjà observé, si la tentation se produit les quarante jours, un peu tout le temps et à la fin beaucoup.

Le pinacle du Temple était ce faîte, difficile d’accès, des hautes murailles d’enceinte, au-dessus du Cédron, à l’angle sud-est du Hiéron. De là, on était vu de toute la foule qui pouvait grouiller dans les parvis ou serpenter dans le ravin, et même d’une grande partie de la basse ville. Le transfert sur ce pinacle fut-il réel, ou simplement imaginaire ? Et de même, l’autre transfert sur une montagne extrêmement élevée, avec la vue de tous les royaumes de la terre « en un rien de temps » (Luc 4,5), se produisit-il dans la réalité, ou seulement dans l’imagination ? Ou bien ces transports et ces vastes aperçus furent-ils moitié réels, moitié imaginaires, par l’artifice diabolique ajoutant d’hallucinants mirages à des sensations du moment ? Par exemple, venu un jour dans le Hieron incognito et poussé, Jésus se serait-il vu soudain au pinacle, et tombant du ciel au grand ébahissement de la Ville ? Du haut de la montagne que la tradition assigne à la sainte quarantaine, le regard s’étend sur de larges espaces : Jésus aurait-il ressenti devant ce panorama une éblouissante vision de tous les empires qui s’étaient succédé et qui se succéderaient encore à l’Occident comme à l’Orient ? Ils sont à moi, lui souffle Satan, ; mais, si tu veux, les voilà tous à toi ! Nous ne pouvons donner à ces questions des réponses précises. Le Tentateur prit-il lui-même une forme humaine ? J’avoue que je suis bien enclin à le croire. Le Diable se faisant ermite rend visite à Jésus comme un confrère de solitude, et s’en vient sous ce déguisement converser, avec lui. Jésus n’est pas dupe, mais encore une fois, il se laisse faire il joue le jeu. Nous pouvons même penser que Satan s’est fait tentateur par le truchement de quelque mégalomane original qui l’aurait poussé au désert comme l’Esprit y avait poussé Jésus. Il se servira bien de Judas pour livrer le Fils de l’homme. Le quatrième évangéliste n’hésitera pas à écrire, en parlant du traître, que Satan est entré en lui (cf. Jn 13,27). Une autre fois, c’est Simon Pierre lui-même qui s’entendra traiter de Satan lorsqu’il aura voulu, comme c’est le cas ici, détourner son Maître de suivre les voies de Dieu (cf. Mc 8,33). Au désert, pour tenter le Christ, le Diable a donc pu se servir d’un homme. Il aurait suggéré à cet individu quelque soupçon de la grandeur singulière de Jésus. Mais c’est lui, Satan, qui mène le jeu et qui demeure le maître de la tentation. Tout se fait à son instigation.

La lutte est engagée entre le Christ et le Diable. Elle se déroule sur le plan des esprits. Elle acquiert par là une signification capitale. Nous avons le sentiment que le Tentateur par excellence essaie, dans ces jours-là, sur le plus grand des élus de Dieu, ce qu’il doit essayer en tout temps dans l’humanité sur beaucoup d’autres chefs de file, civil ou religieux. Ici, il essaie et il échoue. Mais que de fois il essaie et réussi ! Il y a plus, nous avons l’impression, en lisant ce récit étonnant de la tentation, qu’elle est une répétition sur le nouvel Adam de ce qui s’est fait sur le premier Adam, une répétition et une réparation.

 

A suivre…

P.-R. Bernard,  O.P - Le Mystère de Jésus - Salvator, 1967 

 

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