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Une initiation à la vie spirituelle (6)

La rencontre avec Dieu (suite)

Accueillir Dieu, c'est découvrit au bout du compte que son amour pour nous est toujours à son commencement et qu'il n'aura donc jamais de fin. 

Mais dans son essence même, cet amour est exclusif de tout autre. Si Dieu n'était pas "jaloux" [analogie], absolument "jaloux", ce serait la preuve que sa bonté à notre égard n'est pas divine, qu'elle est incapable de nous contenter et de nous suffire, que son mouvement même ne tend pas à nous combler. 

 

 

 

Voulant, au contraire, nous remplir de lui seul, il en vient à nous vider de tout le reste. De là cette nécessité d'un détachement radical, qui ne peut avoir d'autre limite que la mort ; celle qui, précisément, vient de l'amour et rejette peu à peu tout ce qui n'est pas lui. Lorsque saint Paul identifie le baptême à la descente au tombeau avec le Christ, lorsqu'il explique que nous sommes plongés par lui dans la mort du Seigneur, il ne fait que pousser à leur terme les présupposés de la charité divine. Comment pourrait-il subsister quelque chose en dehors de celui qui est tout, et comment ce qui est, en apparence, le reste pourrait-il ne pas être amené fatalement à disparaître ? Le cri que nous transmet Isaïe : " Moi Yahvé, et rien d'autre " (Is 45,18) n'est pas une formule de vengeance, mais l'affirmation d'un fait et la simple définition d'une évidence : si je suis Dieu, il n'y a que moi et tout par moi et en moi. Il suffit d'avoir une fois pressenti ce que pouvait être à notre égard la charité divine pour accepter que cette loi d'exclusion soit la seule à fonder notre espérance, la seule à nous faire saisir que l'amour de Dieu, parce qu'il est l'amour de Dieu, ne puisse pas ne pas triompher de tous les obstacles, c'est-à-dire ne pas les faire passer par la mort. 

 

   Mais celui qui nous pousse sur ce chemin nous verra souvent rétifs et désireux de lui échapper. Comment accepterions-nous facilement de ne plus nous appuyer que sur Dieu seul, de nous nier nous-mêmes au point de n'être plus qu'attente ? S'il nous était enjoint de renoncer aux richesses que nous possédons, il se peut que nous trouvions cet ordre amer à notre goût ; mais il est question de bien autre chose, d'un abandon total de tout ce que nous sommes ou, pour reprendre le mot de l'Evangile, de la haine de soi (cf. Jn 12,25), c'est-à-dire de la libération de toute attache qui ne viendrait pas de Dieu et qui ne serait pas entretenue pour lui seul. Si, comme certains le pensent, il s'agissait de s'abstraire du monde, nous pourrions accéder à cette forme de perfection par une vie d'effort, de silence et d'austérité. Mais il faut aller plus loin : jusqu'au rejet de tout amour-propre et de toute suffisance. 

Ce qui nous est demandé, c'est de reconnaître que, de nous-mêmes, nous ne pouvons rien d'utile, que nous n'avons rien à donner à Dieu et que nous ne saurions rien lui enlever. Il reste à accepter qu'il nous donne. Ou, mieux encore, puisque c'est par lui que nous le recevons, nous devons accepter qu'il nous donne le pouvoir de l'accepter. 

 

   Tout ceci est tellement contraire à nos façons d'être et de penser, que nous admettons volontiers sans doute que cela soit vraie en théorie, mais, que, dans la pratique, il y aurait quelque folie à s'y conformer. Nous n'attendons pas que le Seigneur nous apprenne peu à peu les rudiments de ce langage dont les premiers mots, et déjà les derniers, nous furent enseignés lors de notre baptême. Sous couvert de générosité, nous préférons choisir notre solution et nous en venons à confondre le renoncement à soi avec la sortie du monde, l'abandon à Dieu avec la paresse spirituelle. Même si nous ne voulons pas nous l'avouer, ce qui nous répugne au plus haut plus haut point, c'est de nous laisser conduire, de convertir sans cesse notre désir de savoir où nous allons en confiance et en aveuglement volontaire au sujet de ce que demain Dieu voudra bien décider. Nous taxons volontiers cette entreprise de passivité inhumaine et dangereuse, alors qu'il s'agit de l'activité la plus grandiose que les hommes puissent entreprendre, parce qu'elle est correspondance à l'activité novatrice de Dieu. 

De cet effort pour contredire le vœu spontané de nous affirmer, nous ne serons délivrés qu'avec la mort. Il nous faudra donc indéfiniment détourner notre regard de notre propre vie pour le porter vers Dieu. Il peut tout, mais en même temps il nous veut tout entiers et prétend bien que les seuls désirs à subsister en nous soient le fruit de son désir. 

 

 

A suivre…   

"Une initiation à la vie spirituelle" - François ROUSTANG -

DDB coll. Christus 1961

 

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