Série de textes tiré du livre de Bernard Bro, O.P : "On demande des pécheurs" Cerf, Ed 2007. Première édition 1969
(...)
La deuxième réponse : un milliard de francs lourds...
[14] Une deuxième réponse nous est révélée par l'attitude du Christ tout au long de l’Évangile. La parabole des deux débiteurs et l'épisode de la femme pécheresse et de Simon le pharisien nous font découvrir d'une part que le pardon a été donné avant même que les hommes n'aillent se confesser, et d'autre part qu'accepter ce pardon suppose et entraîne beaucoup plus qu'ils ne le pensent.
Précédant notre angoisse, le pardon est accordé et c'est le Christ qui le donne. Tout l'épisode de la pécheresse et du pharisien vise à nous faire comprendre que le pardon est antérieur à notre réponse. Ce n'est pas pour demander et recevoir le pardon que la pécheresse agit comme elle le fait avec le Christ, mais parce qu'elle l'a déjà reçu. La parole du Christ le manifeste devant les murmures de Simon : Vois cette femme, vois ce qu'elle a fait, elle agit ainsi parce qu'elle a reçu le pardon, contrairement à toi (relire Lc 7,44-48 : Luc chapitre 7, versets 44 à 48)
Nous retrouvons très exactement la même vérité dans la parabole du débiteur impitoyable (Mt 18, 23-35). Le maître remet tout à son débiteur, avant même de savoir si ce débiteur mérite le pardon ; et il s'agit d'une somme énorme, folle, l'équivalent d'un milliard de francs lourds [francs lourds : termine qui désigne le nouveau franc à partir du 1er janvier 1959. Un milliard de francs lourds (1969, année de parution du livre du Père Bro) représenterait pas loin de 900 millions d'euros aujourd'hui ! sauf erreur de ma part. Note de l'auteur du blog].
Or celui-ci (qui voit sa dette de 900 millions d'euros effacée) refusera de remettre à [15] l'un de ses débiteurs l'équivalent de mille francs (environ 900 euros). Le pardon était antérieur à son comportement. C'est le même enseignement dans le sermon sur la montagne. Et cependant, seule la pécheresse (et non le pharisien ou le débiteur) accepte le pardon. La question se repose alors : si ce pardon est antérieur à la confession du péché, à quel moment le Christ nous a-t-il donné ce pardon ? Quand l'avons-nous reçu ?
Comme le débiteur, comme la pécheresse, nous voyons bien que nous ne pouvons pas identifier ce pardon inimaginable (le " milliard de francs lourds ") avec la simple confession. On pourrait certes dire que le pardon est donné au baptême par la remise du " péché originel ". Mais, outre qu'il est difficile de cerner ce que nous voulons dire quand nous parlons de " péché originel ", il faut aussi manifester comment nous recevons ou nous refusons le pardon.
C'est pourquoi nous préférerions dire que c'est le fait même de la venue du Christ parmi nous qui est le pardon. Avec les temps messianiques est arrivé le temps du pardon. " Car Dieu n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour condamner le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. Qui croit en lui n'est pas condamné ; qui ne croit pas est déjà condamné, parce qu'il n'a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. Et le jugement le voici : la lumière est venue dans le monde et les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière." (Jn 3,17-19)
L'expérience de la pécheresse n'est pas seulement l'expérience du sacrement de pénitence. D'une certaine [16] façon, elle demande plus qu'un pardon pour son propre péché : elle accepte la venue du Christ dans sa vie, alors que Simon ne l'y accueille pas vraiment.
A suivre....
Bernard Bro, o.p