* Croire intensément que Dieu est là
Avant de parler à Dieu ou de l'écouter, il faut être convaincu de son existence. Conviction non pas cérébrale et comme extérieure à nous-mêmes, mais conviction vécue, actuelle, saisissant l'être tout entier et le courbant en présence de son Créateur et Seigneur.
Plus concrètement encore, il faut se persuader qu'un regard attentif et pénétrant nous enserre, le Regard du Dieu vivant : Dieu est là près de moi, en moi, qui me regarde et qui m'appelle. Je le crois, j'en suis sûr. Toute la pédagogie de Dieu dans l’Écriture n'a-t-elle pas consisté à convaincre Israël qu'il était un peuple passionnément regardé par son unique Pasteur ? Dès que s'ouvre la geste des Patriarches, dès qu'apparaissent les premiers "chevaliers de la foi", Abraham, Isaac, Jacob, le Seigneur inaugurera magistralement sa leçon. Il s'agit de convaincre ces "primitifs" que le Très-Haut est un Dieu proche. A l'ombre d'un chêne, auprès d'une source, autour d'une pierre rayonne la Présence Glorieuse . Peu à peu ces nomades du désert, si peu friands d'aventures spirituelles apprennent en quelle proximité insoupçonnée se déroule leur banale existence.
Le mot d'ordre donné à Abraham rappelle la densité de cette découverte : " Je suis El-Chaddaï (le Dieu des montagnes) marche en ma présence et sois parfait" (Gn 17,1). Plus tard, Jacob, au terme d'un songe révélateur, s'écriera : "En vérité, Dieu est en ce lieu et je ne le savais pas" (Gn 28,16).
En pratique, plusieurs moyens s'offriront pour nous saisir fortement de cette divine Présence. C'est la suggestion proposée par saint Ignace :
Avant d'entrer en oraison (en prière), "J'élèverai ma pensée vers le ciel, considérant comment Dieu Notre-Seigneur me regarde" (Ex n° 75). Ma prière ne s'identifie en rien avec une considération philosophique ou morale. Elle ne s'apparente pas à une rêverie où je n'aurai qu'à me laisser aller au fil de l'eau. Je suis sous le regard de Quelqu'un, de Quelqu'un qui, en toute vérité, me voit. Là encore, ne sommes-nous pas instruits par l'expérience des hommes de la Bible ? Lorsque sur la montagne, Dieu rend à Abraham son fils Isaac, le père des croyants s'écrie : "Sur la montagne, Dieu pourvoit" ou selon le grec : "Dieu voit" (Gn 22,14). En d'autres endroits, notamment dans les Psaumes, il est sans cesse parlé "des paupières, des prunelles du Seigneur". Anthropomorphisme certes, mais combien suggestif ! Où que nous soyons, où que nous allions, un regard nous cherche, nous investit, nous scrute. Heureux qui consent à se laisser regarder ! A son tour, il deviendra un "voyant" selon l'appellation que l’Écriture décerne aux anciens prophètes. Il saura traverser l'épaisseur des choses et s'enhardir jusqu’à la pleine lumière, où Dieu habite.
Pratiquement, pour nous imprégner de cette certitude, peut-être sera t-il bon de nous répéter quelques uns des versets du psaume 129 : " Seigneur, tu me sondes et me connais - tu perces de loin mes pensées." Ou bien creuser cette magnifique interpellation : " Tu es le Seigneur, le Dieu qui contemple les siècles" (Eccl 36,17. trad Vulgate)
A suivre...
Pierre Lauzeral - Préliminaires à la prière