Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

L'Islam - conférence de F. Varillon (5)

Suite de la retranscription de la conférence du Père Varillon sur l'Islam

 (...)

Je vous pose la question : qu'en pensez-vous ? 

De même ce que Dieu envoie est bon parce que Dieu l'envoie, le jeûne de Ramadan pourrait être plus long ou plus court ; l'homme doit obéir sans raison, attention ! comprenez l'homme doit obéir sans raison bien cela veut dire que la seule raison de son obéissance est qu'elle est  un hommage que l'on rend à Dieu tout puissant. Je ne sais pas si ce soir il y a des musulmans dans cette assemblée, mais je souhaite ne pas trahir ce qu'il y a de meilleur dans la religion musulmane.

Cette exaltation de la toute puissance de Dieu ne doit pas faire oublier que Dieu est très proche de l'homme... une sourate du Coran dit ceci (c'est très très beau) : " nous sommes plus près de Dieu que sa veine jugulaire". Par ailleurs, il ne faut pas trop se presser d'affirmer que l'Islam est fataliste et qu'il ne croit pas à la liberté humaine.   Je sais bien que de nombreux passages du Coran supposent incontestablement l'existence de la liberté. C'est très net notamment dans les versets sur la guerre sainte et dans les "Exhortations à bien agir". Ces versets sur l'existence de  la liberté et donc contre le fatalisme, sont mis en avant aujourd'hui par les penseurs musulmans qui veulent lutter contre le fatalisme paresseux. Il faut reconnaître certainement qu'il a été jadis le fait  de beaucoup de leurs coreligionnaires : ils s'appuyaient sur les textes qui soulignent la toute puissance de Dieu et qui disent : Dieu est Tout, Dieu sait tout, c'était donc écrit : inutile de se tracasser, les jeux sont faits. Les musulmans acceptent la décision de Dieu sans lui faire de reproches, par exemple la mort. [37:22]

Le problème de la conciliation de la toute puissance de Dieu et de la liberté humaine, nous savons bien qu'il  n'est pas propre à l'Islam. Ce qui est vrai c'est que, dans sa lecture de la Bible, le Coran a tendance à multiplier les mentions de Dieu et à estomper les caractères humains. Une lecture comparée de la Bible et du Coran serait extrêmement instructive. Par exemple, dans le Coran c'est Dieu qui apprend à Adam les noms des créatures, dans la Bible c'est Adam qui nomme les créatures : il leur donne un nom (voir Gn 2 = Genèse chapitre 2) . C'est l'homme qui nomme les créatures. C'est très important quand on sait que dans le style biblique, nommer c'est affirmer  sa maîtrise sur l'objet,  Dieu seul est innommable : on ne peut pas maîtriser Dieu. Vous voyez donc que la différence entre les deux textes est considérable pour ce qui est de la valeur reconnue à l'homme. Dans le Coran c'est Dieu qui nomme, dans la Bible c'est l'homme. Autre exemple : dans le Coran, lorsqu' Abraham veut intervenir en faveur de Sodome, Dieu lui dit : rien à faire, tout est décidé, Sodome sera brûlé, il n'y a pas lieu d'intercéder;  et Abraham s'incline. Dans la Bible, il y a cette admirable intercession d'Abraham que vous connaissez (cf. Gn 18, 16-33), si humble et si touchante, que Dieu écoute jusqu'au bout. Eh bien ce passage pour le Coran est trop humain alors il le supprime.  Il faudrait aussi mettre en parallèle le récit des aventures de Joseph (voir Gn 37), tel qu'il est dans la Bible et tel qu'il est dans le Coran. Le Coran met sans cesse dans la bouche des personnages des prières, des invocations ; la Bible, elle, développe la situation de façon très humaine avec un sens discret mais aussi  fort de la présence de Dieu. Le récit biblique laisse subsister la fraîcheur et le naturel de ce qui est humain. Le Coran non : il biffe, il supprime. Et d'autre part, tout ce qu'il y a de cru dans la Bible, la présentation des hommes tels qu'ils étaient dans leur verdeur, la rudesse de leurs mœurs eh bien cela choque les musulmans : le Coran il  supprime !

Il est donc certain que, relativement à la Bible l'Islam se fait de Dieu une idée moins humaine, sinon inhumaine. L'idée essentielle - je demande toute votre attention c'est extrêmement important à noter - car le dilemme auquel il ne faut pas qu'une pensée religieuse se laisse acculer c'est le dilemme suivant : ou Dieu ou l'homme ! Ce qu'on donne à Dieu on l'enlève à l'homme et réciproquement. C'est le dilemme mortel. Avec l'Incarnation, ce dilemme est impensable. Ou l'homme ou Dieu : qu'est-ce que ça veut dire ! C'est le même  qui est Dieu et qui est Homme et il s'appelle Jésus-Christ. [43:55]. La venue de Dieu dans l'humanité c'est une promotion de l'humanité mais si Dieu n'est pas Homme, ne devient pas Homme, l'humanité ne peut être qu'écrasée et irrémédiablement pécheresse face à la pire transcendance qu'elle affirme. Nous touchons le point essentiel de tout.

L'Islam n'est cependant pas une religion froide. Dieu y apparaît bien comme le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob au sens où Pascal l'entend par opposition au Dieu des philosophes et des savants [cf. mémorial de Blaise Pascal du 23 novembre 1654]. Dans l'Islam il y a bel et bien un lien entre Dieu et l'homme. Ce lien c'est le prophétisme. Le Dieu de l'Islam n'est pas muet. Il parle aux hommes par ses prophètes et ses "envoyés". La doctrine musulmane distingue le simple prophète (nabi) et l'envoyé de Dieu (rasûl). Il y a beaucoup de prophètes mais quelques uns  seulement sont considérés comme des "envoyés" de Dieu. De tous les "envoyés" de Dieu, c'est Mahomet qui est le plus grand. La mission de Mahomet fut de redire une fois de plus qu'il faut se soumettre au Dieu unique et créateur. Mahomet a été envoyé en premier lieu aux Arabes, mais sa mission s'étend au monde entier. Dieu a enjoint à Mahomet de fonder une communauté de croyants [la oumma], c'est par Ismaël que Mahomet prétend se rattacher à Abraham [cf Gn 16,3]. Selon la tradition coranique Abraham lui-même vécut à la Mecque et y pria pour un futur prophète des Arabes. Abraham ne serait ni juif, ni chrétien mais "soumis à Dieu" c'est-à-dire musulman. C'est le sens du mot.

Le cas de Jésus. Le cas de Jésus est également privilégié. [47:15]

                                                                                        F. Varillon s.j

                                                A suivre...prochain post

                                                                          

 

Les commentaires sont fermés.