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L'Eucharistie (4)

Suite du post précédent.

Note : Retranscription d'une conférence de François Varillon (+ 1977). Les carmélites de Saint Sever ont un atelier de cassettes/CD : une grande partie des conférences du P. François Varillon peut être commandée chez elles. Le Père Varillon - spécialiste de Paul Claudel - c'est une voix. J'ai fait le choix de retranscrire quelques unes de ses conférences pour vous donner l'envie de poursuivre votre lecture avec les différents ouvrages qu'il a écrit ou votre écoute d'autres conférences enregistrées par les carmélites de St Sever (Calvados).

 

Car nos repas humains ne peuvent signifier qu'une fraternité limitée et qui est déjà réalisée alors que l'Eucharistie c'est l'exigence de travailler à une réconciliation qui n'est pas faite. Je me rappelle - après les événements de mai 68 - certains syndicalistes ouvriers : "moi je veux bien communier à côté d'autres syndicalistes même s'ils n'appartiennent pas aux mêmes syndicats que moi  mais il m'est absolument impossible de communier aux côtés du patron". Alors vous voyez comment l'Eucharistie pourrait être faussée. Si l'Eucharistie n'est que le couronnement d'une entente qui existe déjà au plan humain ; je ne sais pas quel est l'avenir des paroisses dans l'Eglise mais ce que je puis dire c'est que le grand avantage de la paroisse c'est qu'il y a là des hommes de tous les milieux, de toutes les conditions, de tous les âges et de toutes les options politiques et cela c'est normal. L'Eucharistie prend son véritable sens lorsque sont côte à côte, à la table sainte, le patron, le cadre, l'ingénieur, l'ouvrier, le paysan, l'homme d'un certain âge, les jeunes et ainsi de suite, tous les hommes dont il est évident qu'ils ne sont pas réconciliés, et qu'on les retrouvera, demain lundi, opposés les uns aux autres dans les combats humains : combats professionnels, combats politiques, combats syndicaux.

Un des plus beaux souvenirs de ma vie c'est cette réunion à Lyon, il y a une dizaine d'années [donc dans les années 1960]. il y avait là (dans cette entreprise Rhône-Poulenc) des ingénieurs, des cadres supérieurs, des agents de maîtrise, des employés, des ouvriers. Et pendant deux heures on avait discuté ferme sur les problèmes de l'entreprise. On avait discuté ferme assez fraternellement bien sûr mais sans aboutir à un résultat. Et lorsque nous allions nous séparer un ouvrier s'est levé tout d'un coup pour dire : écoutez ! nous sommes quand même des chrétiens ; c'est en tant que chrétiens que nous nous sommes réunis, nous n'allons pas nous séparer comme ça ; si vous le voulez bien nous allons dire le  Notre Père. Tout le monde s'est levé et ces hommes, qui un quart d'heure avant s'opposaient les uns aux autres au plan temporel, au plan des problèmes industriels, problèmes de l'entreprise, tous les hommes ont dit le Notre Père. L'idéal aurait été qu'au lieu de dire le Notre Père, on célèbre l'Eucharistie.  L'Eucharistie sur place. L'Eucharistie célébrée avec des hommes et des femmes dont les intérêts étaient - sur le plan humain - divergents. Alors autant je veux bien que l'on célèbre des eucharisties domestiques, autant cela peut permettre de retrouver un certain sens communautaire et fraternel de la célébration eucharistique, autant je pense qu'il faut quand même faire attention car, au terme, il pourrait y avoir une déviation assez grave.

Il est assez triste de penser qu'un certain nombre de chrétiens "assistent" à la messe (assiste : cet horrible mot) ou prétendent participer à la messe sans comprendre que cela n'a un sens que s'ils s'y engagent à se sacrifier pour travailler à la réconciliation des hommes. "Nous proclamons ta mort Seigneur Jésus" cela veut dire : je m'engage à mourir. Mourir à mon égoïsme, mourir à tout ce qui maintient les privilèges.  "Nous célébrons ta Résurrection" : m'engageant à mourir (et tout de suite ! ce soir ! demain !) pour qu'il y ait plus de justice et d'amitié vraie entre les hommes, c'est là du même coup que je ressuscite, c,est-à-dire que je passe à la vie divine. Lorsque nous avons parlé de la Résurrection, vous vous souvenez, nous avons dit qu'elle ne se produit pas après la mort. La résurrection ce n'est pas un transfert dans un beau jardin. C'est à l'intérieur de chacune de nos décisions que nous mourons à notre égoïsme et que nous passons à la vie divine. C'est pour cela que toute eucharistie est une eucharistie du travail. Naguère la JOC, la JAC, avait rendu cela assez sensible en instituant des messes du travail. Certains d'entre vous ont peut être connu cet extraordinaire congrès de la JOC au Parc des Princes à Paris où pendant toute la nuit on a préparé l'eucharistie qui devait être célébrée à l'aube. Et on a vu des ouvriers, des ouvrières de tous les corps de métier, concourir pour construire l'autel où devait se célébrer l'eucharistie.

Et de même à la campagne ces "messes de la terre" où les fruits de la terre, les fruits du travail de l'homme, étaient offerts à Dieu. Nous ne consacrons pas du blé et du raisin mais du pain et du vin. Le blé et le raisin sont déjà les fruits du travail de l'homme, c'est bien ce que nous disons dans la prière de l'offertoire.  Mais le pain n'est pas seulement fruit de la terre, il est aussi le fuit du travail des hommes. En fabriquant du pain, l'homme transforme la nature pour la rendre véritablement humaine. Et c'est ce pain qui est de la nature transformée par le travail de l' homme, que nous portons  sur l'autel pour qu'il devienne le corps du Christ. Ce qui veut dire que le Christ ne se rend pas présent en "tombant" du ciel dans un morceau de pain (comme s'il fallait porter du pain sur l'autel pour qu'il sache où se mettre ! Pas du tout.) c'est tout le travail de l'homme, toute l'activité transformante de l'homme que nous portons sur l'autel et qui s'achève dans une transformation dans le corps du Christ. Personnellement j'aime beaucoup, quand j'en ai le loisir, arriver à la sacristie un peu en avance et faire une courte méditation sur le morceau de pain, l'hostie que je prends dans la boite et que je tiens dans mes mains. Je regarde ce morceau de pain et je dis :  ce n'est pas un caillou, ce n'est pas une chose, ce n'est pas un objet, ce morceau de pain c'est toute une histoire qui a commencé par le travail du laboureur. 

                A suivre....prochain post.

                François Varillon s.j

                                                                  

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