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Héritier de la Bible (5)

85 suite

J'ai voulu donner un exemple, d'ailleurs connu, pris sur la voie de l'interprétation, telle qu'elle est suivie par "un" héritage. Mais tous les héritages ont en commun, nous le savons, de traverser les apparences, chacun dans son style propre. À ce niveau, il ne s'agit plus de comparaison de cultures ni même exactement de débat d'idées : il s'agit d'histoire selon la foi. Une lecture de l'histoire décide de l'histoire passée, mais aussi, puisqu'elle est elle-même dans l'histoire, de l'histoire à venir. La décision connaît souvent des retombées, en direction de ces inerties culturelles, auxquelles on voudra ramener tout l'héritage biblique. Et c'est justement cet effort qui attire aujourd'hui notre attention. Juifs et chrétiens se trouvent, au moins dans un certain discours, attaqués conjointement. Parfois les deux termes sont soudés pour être honnis ensemble : cela fait partie, dirais-je sans vouloir dramatiser indûment, du rituel d'exécration pratiqué par le nouveau monde païen.

Mais, dans d'autres cas, un sursis est proposé à l'une des parties, sursis pendant lequel son concours sera apprécié contre l'autre. En attendant, l'adversaire n'est pas très uni, c'est le moins qu'on puisse dire, car, dans les reproches qui sont en fait aux chrétiens, 86 leur lien originaire avec la judaïcité sert à expliquer tantôt la rigidité, tantôt l'instabilité des Eglises. Ceux qui répugnent à voir ses Eglises se durcir en sociétés prenant leur consistance dans des rites et aussi dans des enracinements de type géographique, social ou politique, décriront volontiers ce danger comme un "retour à l'Ancien Testament". Mais, inversement, une tendance qui s'était moins manifestée après la guerre s'alarme, depuis peu, de voir une Eglise déstabilisée, dit-on, par le Concile, revenir à un commencement biblique redouté à la fois parce qu'il est oriental et parce qu'il est subversif. Je n'invente pas ses griefs, sur lesquels je ne souhaite pas m'attarder.
Il me semble que ceux qui désignent ensemble les juifs et les chrétiens comme un assemblage négatif voudraient leur faire oublier la valeur de vie de leur trait d'union : elle est tout entière dans l'articulation. Ce qu'on appelle, autour de nous, judéo-christianisme, ne peut pas se constituer en bloc indifférencié, fusionnel.Trait d'union signifie : " ni soudure, ni rupture". Tout le monde, je le sais bien, conviendra. Mais y a-t-il quoi que ce soit d'obvie dans cette articulation judéo-chrétienne, on peut se le demander ! Et comment la ramener à une coexistence de simple extériorité, entre l'un ici et l'autre là, après tant de pages d'histoire si lourdes ? Quelles sont donc les possibilités et quelles sont les limites du dialogue, dans cette relation où tout 87 échappe à l'obvie, puisque la vérité de l'héritage biblique est en jeu ?


On s'attend, je crois, à ce que les positions de principe du judaïsme et du christianisme diffèrent sur la réponse et je ne vois a priori aucun démérite chez les juifs quand ils mettent l'accent plutôt sur les limites de la rencontre, aucun mérite chez les chrétiens quand ils s'empressent vers ses possibilités. Cela tient, je crois, à des structures permanentes. Mais il y a une nouveauté !

                                                                                                        A suivre...

 

Paul Beauchamp, Testament biblique, Ed. Bayard 2001. ISBN 2-227-47034-8

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