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C'était le commencement de l'été

Au temps de mes saisons dans le Sahara, j'ai fait la connaissance d'un Juif très pieux, sûrement mort depuis, car s'il vivait il aurait aujourd'hui cent trente ans. Il me parlait de sa petite enfance. Il était né sous la tente au milieu d'une nombreuse famille qui avait encore la structure primitive du clan. Il faut avoir vu ces tentes fabriquées avec des peaux de bêtes cousues, qui évoquent nos cirques ambulants ou ce qu'on appelle un "chapiteau", capables d'abriter pour la nuit ou la sieste deux ou trois cents personnes, toute une maisonnée patriarcale, avec en plus les chamelets et les poulains, les ânons et les agneaux, trop tendres pour supporter le poids du soleil ou les froidures de la nuit.

Mon vieil ami me racontait que, tout enfant, il dormait dans le giron de sa grand-mère qui le réchauffait, le rassurait et, le jour, lui enseignait les rudiments. Le rabbin ne passait que de temps en temps pour circoncire les bébés mâles, bénir les mariages, pour rappeler les Dix Informations [les Dix Commandements ou les Dix Paroles, NDLR] dictées jadis sur le mont Sinaï et gravées par Moïse sur la pierre, pour affirmer à ces nomades perdus dans l'immense désert qu'ils faisaient bien partie de la race élue dont surgirait un jour le Messie. Une paix infinie régnerait alors dans les coeurs et parmi les peuples, le lion dormirait avec la gazelle sans lui faire de mal.

Une nuit, le garçon fut réveillé par un irrépressible besoin de faire pipi. Il se dégagea doucement des bras de la vieille, souleva le bord de la tente, se glissa et se retrouva dehors. C'était le commencement de l'été, l'air était doux, le ciel illuminé de milliards d'étoiles qui, au désert, semblent à portée d'échelle. Les chevaux et les chameaux respiraient tranquillement. Cette paisible nature était si accueillante, avec une saveur de miel et de lait, pleine d'une promesse et d'un fruit déjà si mûr que le petit garçon fut frappé d'enthousiasme.

L'espérance lui monta à la tête comme une fièvre brutale. Il retourna sous la tente, réveilla d'autorité sa grand-mère et lui dit à l'oreille : " Viens dehors ! C'est si beau ! Ne serait-ce pas cette nuit que le Messie va venir ? " Et la vieille irritée de répondre : " Oublie le Messie ! Apprends à compter ! "

A la fin du récit, mon vieil ami pleurait. Il était de ces Juifs pieux et fidèles qui dépensent leur vie à espérer le Messie et qui  n'apprendront jamais à compter. Quand on en a rencontré un, on ne l'oublie jamais.

 

R.L Bruckberger - " La Révélation de Jésus-Christ "- 1983

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