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samedi-saint

  • Récits de la Passion 11

    Texte extrait du livre " Pilate "  de Jean Grosjean - Ed Gallimard 1983

     

    89

    Procla : Quel courage !

    Pilate : Hérode n'aurait pas osé...

    Procla : Il n'a pas osé, il te l'a envoyé.

    Pilate : Est-ce que je n'ai pas voulu le libérer pour la Pâque ?

    Procla : Et tu n'as pas réussi.

    Pilate : Ils ont prôné Barabbas.

    Procla : Et tu as libéré Barabbas.

    Pilate : J'ai tenté d'apitoyer la foule.

    Procla : La foule est comme les chiens, il ne faut pas leur faire goûter le sang.

    Pilate : Quand je m'en lavais les mains, ils allaient reculer, mais les chefs invoquèrent César.

    Procla : Il fallait les y envoyer.

    Pilate : Et nous ?

    Procla : Tu te démettais.

    Pilate : Nous aurions suivi leur délinquant ?

    90

    Procla : Pourquoi pas ?

    Pilate : Il se serait fait lapider au premier coin de haie.

    Procla : L'empereur même n'est qu'un vagabond qui s'avance au hasard des événements jusqu'au jour où il tombe dans la trappe. Les lauriers ne sont qu'un paravent.

    Pilate : Certes.

    Procla : Pourquoi ne pas vivre ? pourquoi les faux rôles ?

    Pilate : Il m'a dit : Ce que tu peux t'est donné.

    Procla : Qu'en as-tu fait ?

    Pilate : Tais-toi. Je ne dois rien qu'à lui.

    Procla : Je t'en prie. Mais tu ne l'as pas relâché.

    Pilate : Il ne s'y prêtait guère.

    Procla : C'est tout ce qu'il a dit ?

    Pilate : Ceux qui me livrent à toi sont pires.

    Procla : Ça ne te blanchissait pas

    Pilate : Tais-toi. Tout s'est passé trop vite.

    Procla : Ah, sentinelle de l'empire.

    Pilate : On m'a pris à contretemps. Je n'aime pas cette fièvre des orientaux.

    Procla : Elle te séduisait.

    Pilate : Elle me tue. Lui du moins, il était l'homme des longs instants.

    Procla : Une sorte de Romain ?

    Pilate : Au contraire, un frémissement. Ses silences n'étaient pas muets. Il était face à une foule folle. Il n'avait que moi.

    91

    Procla : Je t'en prie.

    Pilate : Il n'y aura qu'à ma mort...

    Procla : N'est-ce pas aujourd'hui ?

    Pilate : Que veux-tu dire ?

    Procla : Ne me crois pas jalouse.

    Pilate : Je l'ai laissé.

    Procla : C'est ce que je voulais dire.

    Pilate : Je suis entré dans la nuit, dans la rumeur des grillons noirs. Ma vie n'est plus liée qu'à un mort.

    Procla : Je t'en prie.

    Pilate : Mais une lueur à la frange de l'âme ou du moins son reflet sur toi...