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message pascal

  • Le Ressuscité

    [149] (...) Qu'il ne s'agit pas d'un événement historique veut dire ceci : la proposition "ressuscité le troisième jour" est moins une donnée historique qu'une assertion théologique ; "trois", si souvent nombre symbolique (...), ne doit pas s'entendre d'une date du calendrier, mais d'un nombre sacré : c'est la date salvifique d'un jour salvifique, tout comme dans le texte d'Osée : " Le troisième jour il nous relèvera" (Os 6,3).

    Dans la mesure où il s'agit d'une entrée dans la vie éternelle de Dieu, au-delà du temps et de l'espace, cette vie ne peut être constatée par les moyens et les méthodes de la recherche historique. La Résurrection n'est pas un acte spatio-temporel. Elle n'est pas un miracle qui transgresserait les lois de la nature  et qu'on pourrait repérer en ce monde-ci ; ce n'est pas non plus une intervention surnaturelle dans le temps et l'espace, qu'on pourrait localiser et dater. Il n'y a rien eu à photographier ni à enregistrer. Ce qu'on peut constater historiquement, c'est la mort de Jésus, puis la foi et le message pascal des disciples ; pour ce qui est de la mort de Jésus et de la foi de ses disciples - l'une et l'autre événements publics - l'historien peut encore les aborder. Mais la Résurrection elle-même - qui n'est pas un événement public - ne peut être appréhendée, objectivée. Ce serait sûrement trop demander à l'historiographie. (...) Ce n'est donc pas un événement historique, mais bien un événement réel. Pourquoi ? Précisément parce que, dans la Résurrection, il s'agit d'une action de Dieu, il s'agit donc d'un événement, non pas purement fictif ou imaginaire, mais réel au sens le plus profond du terme ; et, à vrai dire, uniquement pour celui qui décide de n'être pas un observateur neutre, mais qui s'engage dans la foi. Ce qui s'est passé dépasse les limites de l'histoire. Il s'agit d'un événement transcendant qui part de la mort d'un homme et atteint [150] la dimension universelle de Dieu. (...)

    Non, la foi en la [151] Résurrection, attitude de confiance et d'espérance tout à fait raisonnable, se rapporte à la réalité effective de Dieu lui-même qui, en Jésus, a vaincu la mort. (...) Le message de la Résurrection est donc un témoignage de foi et non pas un produit de la foi. (...) Jésus vit non parce qu'il est annoncé, mais il est annoncé parce qu'il vit.  (...)

    Après ces réflexions, qui visaient non à simplifier mais à condenser, la question se pose : quel est l'essentiel du message pascal ?

                                                          A suivre...

    Hans Küng - Vie éternelle ? - Ed du Seuil 1985

  • Pourquoi cherchez-vous parmi les morts ?

    [146] (...) Le plus ancien témoignage pascal ne se trouve pas dans les évangiles. Il se trouve dans les épîtres de Paul, plus anciennes (de toute une génération) que l'évangile de Marc et représentant les documents les plus anciens du Nouveau Testament.

    Dès les années 55-56 en effet, l'apôtre Paul écrivait d' Ephèse, en Asie Mineure, à la communauté qu'il avait fondée à Corinthe. Dans cette première Epître aux Corinthiens, on trouve au chapitre 15, le plus ancien témoignage pascal "transmis" par Paul à la communauté de Corinthe lors de sa fondation et qu'il a lui-même "recu". D'après la langue, l'autorité et les personnes nommées, ce témoignage remonte probablement à la première communauté de Jérusalem. En tout état de cause, son origine se situe entre les années 35 à 45, date à laquelle Paul est devenu chrétien et missionnaire. Paul cite cette profession de foi et y ajoute une liste - que ses contemporains peuvent contrôler - de témoins de la Résurrection, [147] auxquels le Ressuscité "s'est laissé voir", "est apparu", "s'est manifesté", témoins donc trouvés au hasard des rencontres et dont la majorité étaient encore en vie dans les années 55-56.

    On peut constater des différences non seulement par rapport à l'évangile apocryphe de Pierre, mais même par rapport aux récits des évangiles canoniques. 

    Voici ce texte :

    " Je vous ai transmis en premier lieu ce que j'avais moi-même reçu, à savoir :

    que le Christ est mort pour nos péchés selon les Ecritures, qu'il a été mis au tombeau. Qu'il est ressuscité le troisième jour selon les Ecritures, qu'il est apparu à Céphas, puis aux Douze.

    Ensuite il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois - la plupart d'entre eux sont encore vivants et quelques uns sont endormis. Ensuite, il est apparu à Jacques, puis à tous les apôtres. Et, en tout dernier lieu, il m'est apparu à moi aussi, comme à l'avorton." (1 Co 15, 3-8 ; cf. Ga 1,16 ; 1 Co 9,1)

    Les différences entre le plus ancien témoignage pascal et les récits plus tardifs sont patentes :

    - Les récits de la Résurrection dans les évangiles modifient de plus en plus ce premier témoignage et divergent sensiblement entre eux. Ce plus ancien témoignage pascal a la sobriété d'un procès-verbal.

    - Les récits des Evangiles ont nettement tendance à proposer une peinture légendaire (pour étonner l'auditoire). Paul, dans son témoignage, adopte le style d'une profession de foi ; il se peut qu'elle ait servi de résumé catéchétique, peut-être était-elle à apprendre par coeur lors du catéchisme.

    - Pour illustrer le message pascal, les évangiles mettent l'accent sur le tombeau vide. Chez Paul, par contre (comme aussi en d'autres écrits du Nouveau testamment), le tombeau vide (et les anges) ne [148] sont absolument pas mentionnés ; Paul insiste plutôt sur le fait que Jésus, vivant, a rencontré ses disciples.

    - Et tandis que les récits concernant le tombeau ne sont attestés par aucun témoignage direct, on trouve dans les épîtres de Paul (quelques décennies avant les évangiles) diverses déclarations où il parle lui-même d' apparitions, de manifestations du Ressuscité.

    Ce n'est pas à cause du tombeau vide, mais à cause des "apparitions" ou "manifestations" - sans doute visions ou auditions objectives ou subjectives, en tout cas appels à la prédication comme ceux lancés par les prophètes - que les disciples de Jésus vinrent croire à sa Résurrection pour la vie éternelle. La querelle à propos du tombeau vide est donc une fausse querelle. La discussion théologique a éclairci ce point : il est impossible de vérifier si le tombeau était vide. Des exégètes critiques eux-mêmes admettent comme possible que le tombeau ait été vide. Mais qu'est-ce que cela prouve ? Un tombeau vide n'est pas par lui-même une preuve de Résurrection. Il peut y avoir beaucoup d'explications (...) Car, quoi qu'on pense de l'historicité du tombeau vide, ni la Résurrection de Jésus ni la nôtre n'en dépendent.

    La reviviscence d'un cadavre n'est pas la condition préalable d'un éveil à la vie éternelle. Ainsi donc, pour Paul aussi, ce qui est capital pour sa prédication (et pour celle des épîtres du Nouveau Testament), ce n'est pas de montrer le tombeau vide, mais de prouver que Jésus est vivant. la foi chrétienne ne fait donc pas appel au tombeau vide, mais à la rencontre avec le Christ vivant en personne : "Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant ?" (Lc 24,5)

    La Résurrection n'est-elle donc pas un événement historique ? [149] Pour répondre clairement, je dirais : non, ce n'est pas un événement historique, et pourtant c'est un événement réel. Qu'est-ce à dire ?

                                                                               A suivre...

    Hans Küng - Vie éternelle ? Seuil 1985