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isolement

  • Le ciel n'est pas derrière les nuages (2)

    134. (..) Mais l'Eglise n'oublie pas la leçon de saint Jean : elle sait que l'amour de Dieu véritable se traduit dans l'amour fraternel et qu'on aime pas le Père si on aime pas " ceux qui sont nés de lui ". Elle sait que la charité présente ces deux faces, tournées l'une vers Dieu et l'autre vers nos frères. Elle sait que le grand commandement , dont l'accomplissement est la charité même, s'adresse à la fois à Dieu et aux hommes.

    C'est pourquoi la perspective du Royaume ne saurait séparer ce qui est inséparable. Et l'on fausserait radicalement l'idée du ciel, telle que nous la proposent la foi et l'Eglise, si on ne complétait pas cette idée avec les deux aspects de la charité. " Jouir de Dieu, comme d'une personne, et de tous les autres en Dieu ", telle est la définition du bonheur éternel pour saint Augustin.

    Or cette simple pensée donne soudain à notre idée du ciel en la reliant plus fortement à notre vie présente une densité presque sensible. Les efforts et les joies de la charité fraternelle ne sont-ils pas vraiment, dans l'esprit de la première épître de saint Jean, comme la matière authentique de notre amour pour Dieu, le signe et le terrain d'exercice de cet amour ? Les douloureuses et inviolables limites qu'opposent les conditions présentes à la communication et à la communion mutuelles ne sont-elles pas l'épreuve suprême de nos vies ? Or voici que notre foi nous montre au bout de la route l'heure de cette parfaite 135. rencontre, quand Dieu sera devenu "tout en tous".  Alors rien ne nous séparera plus les uns des autres.  Nous n'aurons plus à subir la dure loi de cet isolement qui n'épargne personne et fait souffrir, plus que tous, ceux qui s'aiment davantage. Alors la richesse des âmes les plus hautes et les plus nobles sera, dans le Christ, notre bien commun.

    Il semble que, loin d'être frustrée, notre imagination est comme étourdie et enivrée devant de telles espérances. Bien loin que le ciel soit cette chose vague et inaccessible qu'on croirait , la voici comme intérieure au plus intime de nous-même, capable de nous soulever d'enthousiasme, en nous révélant par-desus le marché l'infinie valeur du moindre moment présent où, par la charité laborieuse, nous allons à la charité sans ombre ni peine...

    Car le ciel, c'est, à travers tout cela, la fin du régime éprouvant de la foi. Cette présence de Dieu, cette présence mutuelle jusqu'à l'heure du ciel, nous sommes réduits à y croire, c'est-à-dire que, dans l'obscurité de la vie, à chaque pas, nous butons contre les cruels démentis apparents de l'expérience où le mal si souvent triomphe, où en nous-même s'élèvent tant de mouvements discordants. 

    Nous savons qu'un jour ce que nous croyons sur la seule foi de la parole de Dieu, cela sera devenu une éblouissante évidence : que Dieu est notre Père, que nous vivons de la vie du Christ - " il se manifestera en nous " comme " une étoile qui brille au matin " -, et cela aussi : que nous sommes frères, qu'il y a entre nous un lien qui s'identifie avec nous-mêmes  et rend dans le Christ tout commun entre nous. (...)

    136. Il est permis de penser que si tant de chrétiens aujourd'hui hésitent à regarder au-delà de la mort, c'est qu'on ne leur a pas dit ce que l'Eglise mettait sous ce mot de "vie éternelle".

    Le ciel n'est ni un rêve, ni un mot vide. La promesse divine est toute nourrie du présent auquel elle donne une plénitude inouïe et déjà une saveur d'éternité.

       

    Gabriel-Marie Garonne - Que faut-il croire ? - Desclée 1967