Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

espoir

  • ces apôtres à la manque

    Une lettre de lui [Bernanos] me touche beaucoup. A un ami médecin, incroyant, atteint d'un mal incurable, et qui se savait au bord de la mort, il écrivait : "Mon vieux, je vous aime beaucoup, beaucoup plus que vous ne le pensez, parce que je peux vous estimer autant que je vous aime, et c'est une chose qui n'arrive pas souvent. Alors il me semble que si j'avais abordé sérieusement le sujet avec vous, j'aurais laissé de côté la philosophie et la théologie. Je vous aurais dit seulement que dans ce monde désespéré, - hors de l'espoir - la place d'un homme tel que vous, notre place à tous les deux si j'ose dire, est aux côtés de Jésus-Christ, comme nous l'aurions été certainement jadis, sur les routes de Galilée, dans la poussière, avec les pauvres diables, les pêcheurs du lac, le centurion, la femme adultère, le Samaritain, Marie-Madeleine, enfin tous les copains et les copines de l'Evangile. Voilà ! Je vous embrasse de tout mon coeur. Ne m'enguelez pas !"

    Dieu ! Comme j'aimerais retrouver ce langage qui sonne à l'oreille de mon coeur ! Dans un sens, c'est bien ce que les curés modernes ont essayé de faire en basculant dans le copinage avec les clodos et les prolos. Mais ils se sont trompés du tout au tout. Au lieu de parler aux clochards de " l'Eau jaillissante jusqu'à la Vie éternelle", ils ont partagé avec eux le litron de rouge, ils ont essayé de devenir eux aussi des clochards ou des guérilleros, ou des révolutionnaires en peau de lapin, ou des théoriciens de la subversion. (...) Les curés modernes, ces apôtres à la manque, ont tout encanaillé, l'Evangile et eux-mêmes. Ils seront vomis avec dégoût par ceux-là mêmes à la portée desquels ils prétendent se mettre, parce qu'ils ont méconnu en eux leur soif la plus profonde, leur soif sacrée. Les marginaux eux aussi, eux surtout, attendent le Messie, sans le savoir eux-mêmes, ils n'attendent même que lui. Mais celui qu'ils attendent, c'est le vrai Messie, celui qui leur donnera la Vie éternelle. C'est même parce que leur attente est trop douloureuse qu'il leur arrive de s'en divertir en se soûlant la gueule.

    R.L Bruckberger - La Révélation de Jésus-Christ - Grasset 1983