Port-au-Prince
Que reste-t-il de Port-au-Prince? Avant même que le séisme terrifiant d'hier ne se déclenche, n'importe quel visiteur était tenté de se demander comment une telle ville pouvait tenir debout. Et même, comment une telle société, tout simplement, pouvait continuer de vivre. Inégalités effarantes, misère absolue, violences constantes, corruptions de toutes sortes. Une humanité à l'abandon. Le blogueur était allé en Haïti il y a une quinzaine d'années avec une délégation de Reporters sans frontières. Il en était revenu avec l'impression d'avoir connu le pire endroit de la planète, la ville la plus rongée par tous les maux sanitaires, sociaux, politiques, etc. Il avait eu une seule fois, auparavant, l'occasion d'éprouver un sentiment d'une même intensité, c'était lors d'un séjour dans la bande de Gaza. La situation d'Haïti lui était apparue comme ne pouvant empirer. Erreur: il fallait que l'horreur s'ajoute à l'horreur, la catastrophe naturelle aux catastrophes dont l'homme est responsable. Haïti n'avait donc pas atteint le fond du malheur et il y aurait ce pire s'ajoutant au pire. Qui de nous peut s'empêcher ce soir de deviner et d'être hanté: la peur, les larmes, le désespoir d'une ville qui semblait en ruine avant même que de s'effondrer. Que dire qui ne soit dérisoire? Il y avait, avant, une chose qui sauvait ce peuple: l'humour et la gaieté, comme un défi. Le ciel est tombé sur leur joie.
Bruno Frappat
source : blogfrappat.la-croix.com