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bonne nouvelle

  • Marie, femme du premier pas

    Texte extrait du livre de Tonino Bello : " Marie, femme de nos jours " édité par Médiaspaul 1998 (ISBN 2-7122-0688-6). Mgr Tonino Bello (1935-1993), évêque de Molfetta, dans les Pouilles, fut président du Mouvement Pax Christi d'Italie.

     

    39 Il me faut le demander aux spécialistes. Je ne peux pas comprendre, en effet, pourquoi ce mot qui me semble dans le texte grec si rempli d'allusions, n'est pas passé dans les traductions. Je m'explique.

    Au premier chapitre de son Évangile, Luc dit que, lorsque l'ange fut parti de Nazareth, Marie partit en hâte vers la montagne pour se rendre dans une ville de Juda (Lc 1,39). Dans le texte original, après le mot Marie il y a un participe : anastasa. Cela signifie à la lettre " s'étant levée ". Cela pourrait être une locution stéréotypée, c'est-à-dire un de ces nombreux termes qui reviennent si souvent et qui, dans nos discours, servent de transition entre un récit et un autre. S'il en était ainsi, étant donné son manque de sens, son omission dans les traductions serait pleinement justifiée.

    Mais la parole anastasa, à bien l'examiner, a la même racine que le substantif anastasis, mot classique qui indique l'événement central de notre foi, à savoir la résurrection du Seigneur. Si bien qu'on pourrait tranquillement la traduire par " ressuscitée ".

    Et, tenant compte alors du fait que Luc relit l'enfance de Jésus à la lumière des événements de Pâques, est-il hors de propos de supposer que le mot anastasa soit plus qu'un stéréotype inexpressif ? Est-il trop risqué de penser que cela veut être une allusion à Marie comme symbole de l’Église " ressuscitée ", partant en hâte porter la bonne nouvelle au monde ? Est-ce trop d'affirmer que ce mot contient la tâche missionnaire de l’Église qui, après la résurrection 40 du Seigneur, a le devoir de porter dans son sein Jésus Christ afin de l'offrir aux autres, comme le fit justement Marie avec Élisabeth ?

    Là, je me risque.

    Une conclusion me semble de toute façon évidente : même si le mot anastasa n'a pas l'ampleur théologique dont j'ai parlé, il souligne toutefois au moins une chose, la détermination de Marie.

    C'est elle qui décide de se déplacer la première : elle n'est sollicitée par personne. C'est elle qui s'invente ce voyage : elle ne reçoit de conseils de personne. C'est elle qui décide de faire le premier pas : elle n'attend pas que les autres prennent l'initiative.

    Des allusions si discrètes de l'ange, elle a conclu que sa cousine devait se trouver dans de sérieuses difficultés.

    Aussi, sans différer la chose et sans se demander si c'était à elle de décider ou non, elle a fait ses bagages et est partie à travers les montagnes de Judée. " En hâte " de surcroît. Ou, selon une traduction : " avec préoccupation ".

    IL y a tous les éléments pour lire, à travers ces rapides échappées verbales, le caractère entreprenant de Marie. Mais sans déranger. Caractère confirmé d'ailleurs au moment des noces de Cana, quand, après s'être rendue compte de l'embarras des époux, et sans en avoir été priée par eux, elle joua le premier coup et fit échec et mat au roi. 

    Dante Alighieri avait bien raison d'affirmer que la bonté de la Vierge ne secourt pas seulement celui qui se tourne vers elle, mais que " souvent elle prévient les désirs avec libéralité ". 

     

    Sainte Marie, femme du premier pas, ministre très douce de la grâce prévenante de Dieu, " lève-toi " encore une fois en toute hâte, et viens nous aider avant qu'il ne soit trop tard. Nous avons besoin de toi. N'attends pas nos supplications. Préviens chacun de nos gémissements de pitié. (...)

    Quand le péché nous entraîne et paralyse notre vie, n'attends pas notre repentir. Préviens notre appel au secours. Cours tout de suite auprès de nous et organise l' espérance autour de nos défaites. Si tu ne vas pas plus vite que nous, nous serons incapables même de remords. Si tu ne prends pas l'initiative, nous resterons dans la boue. Et, si ce n'est pas toi qui creuses dans notre cœur des citernes de nostalgie, nous ne sentirons même plus le besoin de Dieu.

    Sainte Marie, femme du premier pas, qui sait combien de fois, dans ta vie terrestre, tu auras étonné les gens pour avoir toujours devancé les autres aux rendez-vous du pardon. Qui sait avec quelle sollicitude, après avoir reçu un affront de ta voisine d'en face, tu t'es " levée " la première et tu as frappé à sa porte, en la libérant de l'embarras, sans refuser son étreinte ? Qui sait avec quelle tendresse, dans la nuit de la trahison, tu t'es " levée " pour recueillir dans ton manteau les larmes amères de Pierre ? Qui sait avec quel battement de cœur, tu es sortie de la maison pour détourner Judas du chemin du suicide ? Quel dommage que tu ne l'aies pas trouvé. Mais on peut gager qu'après avoir déposé Jésus, tu sois allée le descendre de l'arbre lui aussi et que tu lui aies placé les membres dans la paix de la mort. 

    42 Donne-nous, nous t'en prions, la force de nous mettre en route les premiers chaque fois qu'il faut pardonner. Empêche-nous de renvoyer à demain une rencontre de paix que nous pouvons conclure aujourd'hui. Brûle nos indécisions. Détourne-nous de nos perplexités calculées. Libère-nous de la tristesse de notre attentisme épuisant. Et aide-nous afin qu'aucun de nous ne laisse son frère sur les charbons ardents en répétant avec mépris : " C'est à lui de bouger le premier !" 

    Sainte Marie, femme du premier pas, experte comme aucune autre de la méthode préventive, habile à donner la réplique avant tout le monde, très rapide à jouer d'avance dans les matchs du Salut, joue aussi par avance sur le cœur de Dieu.

    Afin que, lorsque nous frapperons à la porte du ciel et paraîtrons devant l’Éternel, tu préviennes sa sentence. " Lève-toi " pour la dernière fois de ton trône de gloire et viens à notre rencontre. Prends-nous par la main et couvre-nous de ton manteau. Avec un éclair de miséricorde dans les yeux, préviens son verdict de grâce. Ainsi nous serons sûrs du pardon. 

    (...)

     

  • Faites attention à ce que vous entendez (3/3)

    [77]

    Bien entendu, si Marc a rassemblé ici quatre déclarations de Jésus originairement éparses pour renforcer son appel à écouter, c'est qu'il y a quelque chose de particulièrement vital à saisir. Quoi donc ? Eh bien, évidemment, ce que Jésus nous apprend du monde nouveau de Dieu et de la nouvelle mentalité qui y règne. Mais qu'est-ce à dire ? Pour bien faire il faudrait examiner tout ce que, selon Marc, Jésus dit et tout ce qu'il fait

    Pour faire bref et nous limiter à un seul exemple, on pourrait dire ainsi que le nouvelle mentalité ne va pas sans un renoncement complet à toute domination (10, 42-45) : que ce soit de certains humains sur d'autres, ou des hommes sur les femmes, ou des forts sur les faibles, ou des riches sur les pauvres, ou des adultes sur les enfants, ou des pasteurs sur les laïcs, ou d'une prétendue race sur une autre, ou des savants sur les ignorants... la liste pourrait être longue. Partout où de telles dominations subsistent, le monde nouveau de Dieu n'est sûrement pas là. Cette nouvelle mentalité ne nous est pas plus naturelle qu'aux autres humains. Nous vivons dans un monde, en effet, où l'ambition la plus fréquente est de conquérir ou de conserver un pouvoir sur les autres, que ce soit dans les familles, dans les entreprises, à l'école, dans le monde politique ou les relations internationales. On sait bien où cela mène : c'est la source de tous les conflits. 

    Comment en sortir ? Le monde nouveau de Dieu n'est-il pas une utopie, un rêve trop beau pour être vrai ? A cette inquiétude Jésus répond par avance en deux phrases. Il évoque d'abord l'image de la lampe : la lampe allumée n'est pas destinée à être placée sous un seau ou sous un lit, mais sur un porte-lampe car elle est faite pour éclairer. 

    La seconde phrase est encore sous forme de dicton : Il n'y a rien de secret  qui ne doive être mis au jour. L'image de la lampe et le dicton se renforcent mutuellement, et le sens est clair : le message de salut proclamé par Jésus est une lampe allumée. De même que la lampe est faite pour éclairer, de même la lumière du monde nouveau de Dieu doit chasser la nuit dans laquelle notre vieux monde meurt et se perd. Le rayonnement du monde nouveau de Dieu est encore quelque chose de caché à la plupart, de confidentiel, de non évident.  

    [78] Mais vous auriez tort de vous faire du souci : la vérité finit toujours par éclater. 

    C'est cette certitude sereine de Jésus que j'aimerais vous laisser : Noël, c'est une bonne nouvelle de salut pour notre monde. Elle a commencé à se répandre, la lumière a commencé à briller. Elle est trop nouvelle, c'est-à-dire trop étrangère à nos mentalités naturelles pour être acceptée sans plus par la plupart des humains. Elle n'a été encore écoutée et reçue que par un petit nombre. Elle est donc encore pratiquement secrète, cachée, confidentielle, non évidente. Mais la lumière de Noël est faite pour éclairer. Et elle éclairera. Dès maintenant vous pouvez vous en réjouir. Fêter Noël, c'est aussi lui donner sa chance, c'est l'écouter.     

     

    Jean-Marc Babut - Actualité de Marc - Cerf 2002, coll. Lire la Bible

  • Faites attention à ce que vous entendez (1/3)

    [73] Dans la vie trop remplie et donc trop agitée qu'on mène dans nos grandes cités modernes, c'est une bénédiction pour nous d'avoir ces quatre dimanches de l'Avent, que l'Eglise ancienne a proposé de mettre à part pour préparer Noël. Mais comment préparer Noël ? Comment vivre Noël ?

    De toutes les fêtes chrétiennes, en effet, Noël est la plus populaire, mais aussi la plus paganisée. Elle a cessé en quelque sorte d'appartenir aux Eglises. Tout le monde s'en est emparé. Ici, c'est une marque de piles électriques qui prétend avoir inventé le moyen de faire durer Noël deux fois plus longtemps - parce que ces piles, destinées aux jouets des enfants, durent deux fois plus longtemps, paraît-il. Deux fois plus longtemps que quoi ? On ne le dit pas. Là, les rues se garnissent de guirlandes illuminées pour attirer les clients dans les magasins. Il y a en effet des cadeaux à acheter, pour les offrir à ceux qu'on aime. Il y a un réveillon à préparer pour la soirée du 24 décembre. Bref, beaucoup de publicité et de bonnes affaires en perspective.

    Dans les paroisses aussi on s'active. On prépare la célébration destinée aux enfants. Peut-être aussi tel ou tel d'entre vous a-t-il prévu d'inviter ceux ou celles dont il sait qu'ils supporteront mal leur solitude...

    On ne va pas juger ici ces diverses façons de fêter Noël, même si certaines d'entre elles ont bien peu de rapport (...). Mais dans ce foisonnement où tout se mêle, le bon et le moins bon, on peut se demander ce qu'est vraiment Noël. Le meilleur moyen est de faire un retour aux sources. Et, pour nous protestants, la source, c'est la Bible.

    On aurait tort de penser que la Bible nous propose une manière unique et standard de comprendre ce que signifie pour notre monde la naissance de Jésus. J'ai même envie de dire que les évangiles ont chacun leur manière de présenter cet événement en apparence insignifiant et pourtant d'une aussi grande portée pour l'humanité. 

    [74] Pour Matthieu, par exemple, Noël c'est "Dieu avec nous", Dieu à nos côtés pour partager notre condition humaine. Pour Luc, me semble t-il, on pourrait dire que Noël est l'avènement discret d'un puissant sauveur pour tous les humains, et que cet avènement marque en conséquence un tournant décisif dans l'histoire de l'humanité. Jean, quant à lui, ne raconte rien de la naissance de Jésus. Mais pour lui, l'entrée de Jésus dans le monde, c'est le commencement d'une bonne nouvelle, d'un message de salut, selon les tout premiers mots de son évangile : Commencement du message de salut apporté par Jésus...

    Bien sûr, ces diverses façons de comprendre et d'annoncer l'événement de Noël ne se contredisent aucunement. Elles correspondent sans doute à des sensibilités différentes chez les évangélistes.

    Personnellement je suis sensible à la façon dont Marc essaie de nous faire saisir ce qu'est Noël : le commencement d'une bonne nouvelle, d'un message de salut.

    Une mauvaise nouvelle, c'est toujours difficile à recevoir - et donc aussi à transmettre : la mort d'un être cher, l'annonce d'une grave maladie dont vous êtes atteint, l'annonce d'un licenciement qui vous frappe... quelques mots suffisent, ce jour-là, à faire basculer toute une vie.

    Mais une bonne nouvelle, ça s'annonce avec plaisir, ça s'écoute avec joie, ça éclaire le visage et ça réchauffe le coeur. Une bonne nouvelle aussi, ça marque un tournant dans la vie. C'est pourquoi la Bonne Nouvelle que Jésus apporte doit être non seulement entendue , mais écoutée, c'est-à-dire bien enregistrée pour faire désormais partie de nous-mêmes et modifier notre vie en conséquence.

    Ecouter : c'est précisément le thème central de cette série de sentences énoncées par Jésus probablement en diverses circonstances et regroupées par Marc dans son chapitre sur les paraboles : Si quelqu'un a des oreilles pour entendre, qu'il entende ! Et Marc d'appuyer cette première recommandation de Jésus, par une seconde : Faites attention à ce que vous entendez. Nous voilà donc prévenus qu'il y a là, dans ce que dit Jésus, quelque chose qui vaut la peine d'être entendu, quelque chose qui vaut la peine d'écouter

    En général, nous n'aimons pas écouter. Voyez ce qui se passe [75] lors d'une discussion, ou même lors d'une interview de journaliste : on se coupe constamment la parole. Chacun veut placer - et faire prévaloir - son point de vue, sa vérité. On ne laisse pas l'autre s'exprimer, on le contredit avant qu'il ait terminé. Chacun se refuse d'entendre - et même de laisser entendre - ce que l'autre veut dire. En somme nous n'aimons pas ce qui ne vient pas de nous-mêmes, nous n'aimons pas et ne savons pas écouter, faire taire nos propres voix pour essayer de saisir celle de l'autre.

    Si les humains sont si peu capables de s'écouter les uns les autres, on est en droit de se demander comment ils vont pouvoir écouter une voix autrement étrangère, je veux parler de celle de Dieu, que Jésus est venu essayer de nous faire entendre. Celui qui n'écoute pas se condamne lui-même à tourner toujours dans le même cercle, comme un lion dans sa cage : on n'en sort pas, on se retrouve toujours seul avec soi-même, on est perdu.

    L'Evangile, le message proclamé par Jésus, c'est justement une autre voix qui cherche à se faire entendre de nous ; une voix qui vient d'ailleurs que de nous-mêmes, qui nous apporte quelque chose d'autre, quelque chose de différent, quelque chose de neuf : une voix qui apporte aux humains le salut.

    Voilà pourquoi Jésus dit à ceux qui sont autour de lui : Si quelqu'un a des oreilles pour entendre, qu'il entende ! Faites attention à ce que vous entendez.  (...)

                                                                                    A suivre post suivant

    Jean-Marc Babut - Actualité de Marc - Cerf 2002, coll. Lire la Bible

    Note : je vous recommande de vous procurer ce livre de J.M Babut qui nous offre un commentaire exceptionnel de l' évangile de Marc. De tels livres sont rares car l'auteur nous accompagne dans une lecture renouvelée de l'Evangile. C'est un pédagogue profond qui ne nous écrase pas (contrairement à beaucoup d'auteurs, hélas) par des considérations scientifiques, exégétiques et finalement imbuvables. 

     

     

     

  • la fragilité au coeur de Noël

    (...) Cette fragilité est au cœur de Noël, au cœur de toutes nos vies parce que, en chacune, il y a le mal à l'œuvre et nous devons le regarder en vérité.

    Devant tout enfant, nous éprouvons une tendresse ineffable dont nous parle Saint Luc. Nous espérons pour son avenir et nous sommes pris par la joie et la paix parce qu'un avenir est là, parce qu'un avenir se dessine. Nous savons que le terme de cet avenir est déjà donné et qu'il est inscrit au cœur même de cet être.

    C'est un mystère de tendresse, oui, de tendresse infinie mais aussi un mystère de puissance. Il y a quelque chose d'extraordinaire :  Dieu vient à nous dans la faiblesse. Dieu vient à nous dans cet enfant couché dans une mangeoire et emmailloté. C'est le Seigneur Dieu que nous adorons, le Seigneur qui a fait le ciel et la terre. Dieu vient à nous, non pas comme nous le souhaiterions tous, c'est-à-dire en triomphant magnifiquement de toutes les difficultés, en nous protégeant de la souffrance et en nous évitant la mort mais au contraire, il vient pour les assumer en les prenant sur lui. C'est cela le mystère de Noël, un mystère de rencontre avec la faiblesse et la puissance. Dieu est à l' œuvre et vous vous souvenez de ce que l'Ange du Seigneur dit  aux bergers: «Ne craignez pas, car voici que je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple: aujourd'hui vous est né un Sauveur, dans la ville de David. Il est le Messie, il est le Seigneur ».  

    «Ne craignez pas, je vous annonce une bonne nouvelle ! » Pour combien d'entre vous Noël est-il la bonne nouvelle, la bonne nouvelle qui éclate dans les cœurs, la bonne nouvelle qui chasse toutes les autres nouvelles, la bonne nouvelle qui fait que toutes les actualités de ce monde ne paraissent rien même si elles sont tragiques, même si elles sont atroces? Nous interrogeons-nous, nous tous bien pensants, que disons-nous pour que Noël soit la bonne nouvelle ? Dans le monde occidental ou dans les autres continents, des hommes méprisent la vie, des hommes béatifient l'avortement, des hommes nient la mort, la refusent sottement alors qu'il faudrait sauver la vie, la faire respecter à tout prix pour qu'elle triomphe. Le Seigneur nous dit: « Je vous annonce une grande joie » parce que toute vie est respectée, toute vie est merveilleuse, toute vie a des possibilités étonnantes. Croyons-nous que la vie est merveilleuse ? Au coeur même de la souffrance, au cœur de l'anéantissement, il peut y avoir la joie, la joie de Dieu. (...) 

    Sommes-nous des hommes décidés à jouer notre vie pour Dieu, à la jouer pour de bon, à devenir des êtres pour qui Dieu existe, pour qui Dieu est un être non pas imaginaire comme tant d'hommes le pensent, mais un être qui  est Dieu, le seul qui compte, le seul  qui engage nos vies, le seul à travers qui tout passe?

    Est-ce que nous aimons Dieu? L'aimons-nous comme nous chérissons un être très proche, plus encore, davantage que tout être? Je vous pose cette question car elle est centrale dans nos vies. En cette fête de Noël, le Seigneur n'a pas à nous poser d'autre question que celle posée à Pierre au soir de sa vie: «Pierre m'aimes-tu?» Chacun entend dans sa conscience cette parole: «Pierre m' aimes-tu plus que ceux-ci? », es-tu décidé à jouer ta vie sur ma vie, es-tu décidé à t'engager avec moi, es-tu décidé à connaître la mort et la résurrection ? Car enfin, ce que le Seigneur nous propose c'est d'entrer dans la vie: «Je suis venu pour qu' ils aient la vie, et qu'ils l'aient en abondance ». L'atrocité de la souffrance et l'atrocité de la mort sont là: le Seigneur ne les nie pas puisqu'il les traversera mais il passera en triomphant de la fragilité humaine, de la faiblesse humaine, en les enveloppant d'amour car au fond, il n'y a de vérité et de vie que dans l'amour. C'est l'amour seul qui compte.

    Avez-vous lu certains récits russes d'hommes qui ont traversé la souffrance? L'un d'entre eux raconte comment il a triomphé de tous les esclavages, il a brisé toutes les contraintes établies contre lui et il s'écrie qu'il est seul mais qu'un homme seul peut tout briser à condition d'aimer. C'est ce que le Seigneur nous demande: briser les liens qui sont à briser mais resserrer les liens d'amour entre les hommes qui les construisent.

    Le Seigneur nous demande d'avoir au cœur la joie d'être sauvés. Etes-vous persuadés d'être sauvés, êtes-vous sauvés en espérance, comme dit saint Paul ? Croyez-vous vraiment au tréfonds de votre être que vous avez besoin d'être sauvés par le Seigneur, je dirais arrachés, comme on arrache une proie aux serres de l'aigle, du mal, de la souffrance et de la mort?  Y croyons-nous vraiment?  Sommes-nous assez fous ensemble pour croire à  cette vérité et pour nous la donner réciproquement ? Nous devons incarner cette phrase du Seigneur: « aimons-nous les uns les autres ». Ce ne sont pas des mots et Lucien, le "Voltaire" de l'Antiquité, disait des anciens: «On leur a fourré dans le crâne qu'ils sont frères ». Oui, c'est cela, on  nous a fourré dans le crâne que nous sommes frères. Nous vivons cette folie de croire à la folie de l'amour de Dieu.

    En cette fête de Noël, je vous demande une chose: croire au bonheur, croire à la plénitude du bonheur, à la plénitude de la vérité du bonheur, de la joie triomphale du bonheur. C'est une véritable joie qui est dans notre cœur devant ce petit enfant si fragile et cependant tout-puissant. Il triomphera, après sa mort, dans la résurrection. Voilà ce que nous confessons après avoir entendu les paroles de Paul: « Il s'est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes, et de nous purifier pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien». Sommes-nous ardents à faire le bien, ardents à tout lâcher pour le Christ comme Paul regarde toutes choses derrière lui comme des ordures, de la balayure pour gagner le Christ ? Nous sommes des êtres extraordinaires ! Les chrétiens, s'ils savaient ce qu'ils sont et s'ils savaient vivre, transformeraient le monde par leur témoignage de vie. Ils transformeraient le monde car ils seraient ce que le Seigneur leur demande d'être. Le Seigneur n'a pas promis une transformation magique mais il a promis un monde de justice et de paix : « Gloire à Dieu, au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qui l'aiment ». Un triomphe de l'amour! Vous savez combien l'amour est humble, pauvre parce qu'il se met aux pieds de ses frères. (...)

    Marie-Joseph Le Guillou - La puissance de l'amour de Dieu dans sa Parole - Ed. Parole et Silence, 2007 pp. 29-32