Les Psaumes ont drainé le flot immense, mêlé et séculaire des prières du Peuple de Dieu, du Peuple que Dieu " appelait ", " à qui ont été confiés les oracles " (Rm 3,2), et qui formulait sa réponse telle que l'Esprit de Dieu la lui inspirait.
Cette réponse consistait pour l'essentiel dans un consentement à l'espérance, en dépit des infidélités et à travers les contradictions de l'histoire et de la vie.
Et tous ces ruisseaux innombrables formant un fleuve ont fini par déboucher dans le cœur même du Christ.
Toute l'attente, c'est lui qui la réalise et qui, la réalisant, la dépasse en sa personne : c'est lui le Roi, et ce Roi n'est autre que le Seigneur.
Toute la prière, c'est lui qui l'assume et la sublime en sa prière de Fils, à son Père et notre Père.
C'est ce qu'expriment admirablement des textes comme Luc 10,24, Hébreux 11, 13-16 ; c'est ce que l'on trouve vécu dans les versets du Benedictus et du Magnificat.
Jésus comble en sa personne, il réalise et dépasse toute cette attente et tous ces appels que les Psaumes font monter vers Dieu.
Ce roi que peu à peu la lumière prophétique a mué en Roi-Messie aux dimensions universelles et à la mission d'abord spirituelle, ce roi est le fils de David, et en même temps le Fils de Dieu. Il est capable d'intercéder.
C'est le législateur, c'est le prêtre, c'est le juge, institué pour la « défense des pauvres », institué pour l'univers. C'est aussi le guerrier des combats de Dieu.
Ce roi, c'est Jésus, fils de Marie, dont l'histoire humaine et l'œuvre sur la terre réalise en plénitude ce qui était promis.
Bien mieux, l'attente est infiniment dépassée. Car ce fils de David, c'est vraiment le Seigneur. Jésus lui-même a commenté la signification insoupçonnée du psaume 109. Jamais les hommes n'auraient pu savoir par eux seuls tout ce que Dieu leur faisait demander, ce que portait secrètement leur prière.
Tout cela allait plus loin qu'ils ne pouvaient savoir et désirer (Romains 8,26 ; Ephésiens 3,19-20). Jésus est à la source première et il est au terme dernier de tout. Il est celui par qui Dieu a tout créé et celui qui mérite tout amour : le Père et lui ne font qu'un.
La prière de Jésus assume et sublime toutes ces prières que l'Esprit mettait dans les Psaumes sur les lèvres et au cœur des hommes. Désormais aucune prière ne pourra se détacher de la sienne qui les contient toutes.
Tout converge là, comme tout repartira de là.
La prière des hommes ne pourra plus être que la communion à la sienne : le Notre Père, qu'il nous a enseigné « au sortir de sa prière ». Mais on méconnaîtrait totalement ce Notre Père, si on coupait les fils innombrables qui en relient chaque demande à la foule des demandes des Psaumes. Ces demandes se trouvent dans celles du Pater et ne s'y perdent pas ; au contraire, le contact du Pater avec les Psaumes est indispensable, en particulier pour mesurer le don qui est fait et le surcroît infini des générosités divines. D'ailleurs, Jésus lui-même nous sert de guide.
Avant tout, il faut remarquer que sa prière définitive, qui a été l'offrande unique et parfaite qui pour toujours achetait notre salut (Hébreux 10,14 sq.), cette prière a été enveloppée dans le chant des Psaumes : le Christ a récité avec les siens le Hallel avant de marcher vers la mort. Cette prière a été traversée par le trait de feu de toutes les aspirations d'amour dont l'Évangile a gardé l'écho et qui sont des mots des Psaumes.
En vérité, les Psaumes ont porté l'acte qui nous sauvait : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné… » ; « J'ai soif » ; « Père, je remets mon âme entre tes mains… » Et d'ailleurs, tout au long de sa vie, le Christ a parlé à son Père et aux siens dans le langage des Psaumes : son hymne à la Création prolonge les hymnes des Psaumes (comparer Math 6,28 sq et Ps 103) ; ses Béatitudes en réalisent et subliment les bénédictions (comparer Math 5,3 et Ps 1) ; l'Évangile fait écho même aux malédictions des Psaumes (cf. Math 23,13), et les Psaumes sont l'arme du Seigneur contre le Tentateur.
On comprend dès lors que l'Église ait adopté les Psaumes. Nous ne pouvons ni les renier, ni désormais les dire autrement que dans le Christ.