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Introduction générale aux psaumes : 04. La forme des Psaumes

Il a plu à Dieu que ces prières qu'il nous suggère pour lui répondre aient forme de poésie. Il a plu à Dieu qu'il en soit ainsi, et il ne nous est pas permis de l'ignorer. 

On fausse donc radicalement l'instrument préparé par dieu si on prétend le faire fonctionner cotre sa nature, en ignorant comment il est construit. 

C'est donc se conformer à la réalité et au vouloir de Dieu, c'est prévenir un contre-sens fondamental et par conséquent des déceptions, que de se rappeler que la poésie est un mode d'expression original et de savoir aussi quelque chose du genre de poésie qui est caractéristique des Psaumes. 

 

 

La poésie s'oppose à la prose. 

D'abord en ce sens qu'elle ne se présente pas comme une suite linéaire et pour ainsi dire plate, mais comporte essentiellement un rythme, un retour régulier.

Tout au fond de l'instrument poétique, il y a un usage du mot qui n'est plus simplement celui du langage courant. 

Pour la poésie, les mots ne se réduisent pas à leur sens. Elle leur découvre mille autres ressources, méconnues dans l'usage sommaire et grossier qu'en font la paresse et la sordide économie quotidiennes. Elle ramène pour ainsi dire les mots à leur source. Elle les replonge dans le milieu où ils sont nés et avec lequel ils avaient rompu des attaches jugées inutiles pour l'intérêt immédiat des rapports humains. Elle les retrouve avec leur intégrité native, avec leur densité, leur sonorité, leur couleur, tout ce qui les apparente à la nature humaine qui les conçut. 

Ce ne sont plus seulement des signes anonymes et fuyants ; ils recouvrent une sorte de personnalité. Ce sont des sons, des images. Ils poussent des racines secrètes dans tous les sens à l'intérieur de notre être : ils plaisent à notre gorge qui les formule, à nos oreilles qu'ils emplissent, à nos yeux mêmes où ils font briller des couleurs. Ils ravivent cet univers intérieur où ils ont pris leur chair et qu'ils paraissaient, dans la banalité de leur service, avoir renié : ils remettent l'homme en relation avec tout ce monde d'images qu'il habite et qu'il fuit sans cesse. 

Ce monde sans limites, la poésie le retrouve et elle le domine, elle l'apprivoise pour ainsi dire. Elle crée un centre mystérieux où l'homme peut dans le silence écouter l'univers des idées, des images, des sons, lui dire quelque chose d'aussi vrai qu'un discours, mais autre ; lui tenir une conversation précise mais inaccoutumée : au lieu d'une note, une harmonie, un orchestre au lieu d'un instrument. Les mots n'ont pas perdu leur sens mais ils réussissent, pour le transmettre, à ne pas aliéner leur être. 

L'instrument poétique est une unité qui a un mouvement et une vie propres, qui agit et exprime comme un tout. Il en résulte dans la poésie une certaine indétermination conceptuelle où on peut voir comme une vocation à porter le message divin à travers une série de développements progressifs. La poésie convient mieux qu'aucun autre mode de langage pour exprimer l'amour, pour exprimer un mystère, pour exprimer la louange.

 

Il faut savoir que la poésie par sa nature même est réfractaire à une simple traduction. les éléments qui la constituent ne peuvent être simplement traduits tels quels : il s'agit de reconstituer un ensemble qui, dans une autre langue, soit apte à reproduire au fond des âmes le même effet. 

Peu de poésies sont à cet égard plus réfractaires à une simple traduction que la poésie hébraïque, dont les ressources tiennent à la structure même d'une langue très différente de la nôtre, inapte à des développements enchaînés, amie du parallélisme, c'est-à-dire de la répétition en écho de phrases simples.

L'hébreu est une langue rude, heurtée, qui est faussée par une traduction sans vigueur et trop molle. 

Enfin les Psaumes sont faits pour être musicalement accompagnés par des instruments dont nous n'avons guère ni la notion, ni l'expérience. 

Tout cela oblige au moins à se mettre dans un état d'âme qui n'est pas simplement celui d'un lecteur ou celui d'un homme de raison. Il faut entrer dans un certain jeu, se laisser dépayser, s'abandonner à un courant.

Claudel a proposé dans une sorte de transposition à sa manière des psaumes de la Pénitence de que pourrait être une véritable traduction des Psaumes. Mais quoi qu'il en soit, si aucune traduction parfaite n'est concevable, toute traduction trop contraire à la poésie hébraïque ne saurait être considéré comme vraie. De cela, tout chrétien qui veut connaître et aimer les Psaumes doit prendre son parti, s'il ne veut pas être déçu.  

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