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Marie, femme du silence

Texte extrait du livre de Tonino Bello : " Marie, femme de nos jours " édité par Médiaspaul 1998 (ISBN 2-7122-0688-6). Mgr Tonino Bello (1935-1993), évêque de Molfetta, dans les Pouilles, fut président du Mouvement Pax Christi d'Italie. Livre traduit de l'italien par Maria Malinowski et ses amis.

 

79 Parmi tant d'appellations adressées à Marie, dans lesquelles on ne sait s'il faut admirer davantage l'imagination des poètes ou la tendresse de la piété populaire, j'en ai trouvé une, particulièrement suggestive : Marie, cathédrale du silence. 

Certes, il est difficile aujourd'hui de faire l'expérience du silence dans les cathédrales des métropoles. Mais celui qui y entre poussé par l'envie de prier y découvrira toujours un lieu favorable. En s'asseyant et en observant, il lui suffira d'élever son regard au-dessus du sol, et il trouvera le silence caché là-haut, dans les pénombres des arcades, dans les croisées des ogives. Et, s'il regarde encore plus haut, il se laissera séduire par la hauteur de la voûte, il s'imaginera lui aussi, comme le poète de L'infini, dans " les espaces illimités qui sont au-delà, et les silences surnaturels, et le calme profond..."

Marie est justement comme une cathédrale gothique qui garde le silence. Jalousement. Elle ne le rompt pas, même quand elle parle. Comme le silence du temple qui, là-haut, joue avec les lumières colorées des fenêtres géminées, avec les mosaïques des chapiteaux et avec les courbes de l'abside. Silence qui n'est pas rompu mais exalté  par le gémissement de l'orgue ou par les cadences mystérieuses du chant grégorien, montant d'en bas.

Mais pourquoi Marie est-elle la cathédrale du silence ?

80 Avant tout parce qu'elle est une femme qui parle peu. Dans l’Évangile, elle parle à peine quatre fois. A l'annonce de l'ange. Quand elle chante le Magnificat. Quand elle retrouve Jésus au Temple. Et à Cana de Galilée.

Puis, après avoir recommandé aux serviteurs des noces d'être à l'écoute de l'unique parole qui compte, elle se tait pour toujours.

Mais son silence n'est pas seulement absence de voix. Il n'est pas vide de bruit. Ni même le résultat d'une ascèse particulière de la sobriété. C'est, au contraire, l'enveloppe théologique d'une présence. La coquille d'une plénitude. Le sein qui garde la Parole.

L'un des derniers versets de la lettre aux Romains nous offre la clé d'interprétation du silence de Marie. Il parle de Jésus-Christ comme de la révélation du mystère gardé dans le silence durant des temps éternels (Rm 16,25). 

Christ, mystère silencieux. Secret, c'est-à-dire caché. Littéralement enveloppé de silence. En d'autres termes, le Verbe de Dieu dans le sein de l'éternité était emmailloté de silence. En entrant dans le sein de l'histoire, il ne pouvait pas avoir d'autres langes. Et Marie les lui a offerts, en sa personne. 

Elle est devenue ainsi le prolongement terrestre de ce mystérieux silence du ciel. Elle est devenue le symbole pour qui veut garder les secrets d'amour. Et pour nous tous, assourdis par le vacarme, elle est restée le tabernacle silencieux de la Parole : Elle gardait fidèlement toutes ces choses en son cœur (Lc 2,51)

 

Sainte Marie, femme du silence, ramène-nous aux sources de la paix. Permets que nous ne soyons pas 81 assaillis par les mots. Par les nôtres, avant tout. Mais aussi par ceux des autres.

Fils du bruit, nous pensons dissimuler l'insécurité qui nous tourmente à travers le rabâchage de nos interminables discours. Fais-nous comprendre que c'est seulement lorsque nous nous serons tus que Dieu pourra nous parler. Solidaires du vacarme, nous sommes persuadés de pouvoir exorciser la peur en haussant le volume de nos transistors : fais-nous comprendre que Dieu parle à l'homme uniquement sur les sables du désert, et que sa voix n'a rien à voir avec les décibels de nos tapages. (...)

82 Sainte Marie, femme du silence, admets-nous à ton école. Tiens-nous loin de la foire du vacarme dans laquelle nous risquons de nous assourdir, à la limite de la dissociation de notre personnalité. Préserve-nous de la volupté morbide des nouvelles, qui nous rend sourds à la " Bonne Nouvelle ". Rends-nous opérateurs de cette écologie acoustique qui nous redonne le goût de la contemplation même dans le tourbillon de la ville. Convaincs-nous que les grandes choses de la vie, la conversion, l'amour, le sacrifice et la mort, mûrissent seulement dans le silence.

Mère très douce, nous voulons te demander une dernière chose. Toi qui, comme le Christ sur la croix, as expérimenté le silence de Dieu, ne t'éloigne pas de nous à l'heure de l'épreuve. Quand le soleil s'éclipse pour nous, quand le ciel ne répond plus à notre cri, quand la terre devient du sable mouvant sous nos pas et que la peur de l'abandon risque de nous désespérer, reste à nos côtés. dans ces moments-là, romps même le silence pour nous dire des paroles d'amour !

(...)

 

 

 

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