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Marie, femme en chemin

Texte extrait du livre de Tonino Bello : " Marie, femme de nos jours " édité par Médiaspaul 1998 (ISBN 2-7122-0688-6). Mgr Tonino Bello (1935-1993), évêque de Molfetta, dans les Pouilles, fut président du Mouvement Pax Christi d'Italie. Livre traduit de l'italien par Maria Malinowski et ses amis.

 

67 Si les personnages de l’Évangile avaient eu une sorte de compteur kilométrique incorporé, je pense que Marie aurait gagné le prix des marcheurs les plus infatigables.

Jésus mis à part, naturellement.

Mais lui, on le sait, s'était tellement identifié avec le chemin qu'il confia un jour aux disciples qu'il avait invités à le suivre : Je suis le chemin.

Le chemin. Pas le voyageur !

Comme Jésus est donc hors concours, c'est sans aucun doute Marie qui se retrouve en tête, dans la classification des pèlerinages évangéliques.

On la trouve toujours en chemin, d'un côté à l'autre de la Palestine et même jusqu'à l'étranger.

Voyage aller et retour à Nazareth aux montagnes de Judée, pour aller voir sa cousine, avec cette espèce de supplément rapide cité par Luc, assurant qu'elle rejoignit la ville en hâte. Voyage jusqu'à Bethléem. De là, à Jérusalem pour la présentation au Temple. Expatriation clandestine en Égypte. Retour prudent en Judée avec le laissez-passer délivré par l'ange du Seigneur, puis de nouveau à Nazareth. Pèlerinage à Jérusalem avec une " réduction de groupe " et double parcours avec excursion dans la ville à la recherche de Jésus. On la trouve encore au milieu de la foule, où elle le rencontre en Galilée, errant de village en village, peut-être avec un peu l'idée de le faire rentrer à la maison. Finalement, elle est sur les sentiers du Calvaire, au pied de la croix, 68 où l'étonnement de Jean prononçant le mot stabat exprime, plutôt que la pétrification douloureuse d'une course perdue, l'immobilité de statue de qui attend sur le podium le prix de la victoire !

Icône de la marche sans répit, on ne la trouve assise qu'au festin du premier miracle. Assise, non pas immobile. Elle ne sait pas rester au repos. Elle ne court pas avec le corps, mais avec l'âme. Et si ce n'est pas elle qui va vers l'heure de Jésus, elle fait venir cette heure à elle, en faisant tourner à l'envers les aiguilles de la montre, jusqu'au moment où la joie de Pâques fait irruption sur la table des hommes.

Elle est toujours en chemin. Et, de plus, sur un chemin qui monte.

Depuis qu'elle s'est acheminée vers la montagne, jusqu'au jour du Golgotha, ou même jusqu'au crépuscule de l'Ascension, lorsqu'elle monta avec les disciples dans la Chambre haute, dans l'attente de l' Esprit, ses pas sont toujours scandés par l’essoufflement des altitudes.

Elle aura fait aussi les descentes. Jean en mentionne une, lorsqu'il dit qu'après les Noces de Cana, Jésus descendit vers Capharnaüm avec sa mère. Mais l'insistance avec laquelle l’Évangile accompagne du verbe " monter " ses voyages à Jérusalem non seulement fait allusion à la poitrine qui s'essouffle ou aux pieds  qui gonflent, mais plus encore indique que le pèlerinage de Marie sur la terre est symbole de toute la fatigue d'un exigeant itinéraire spirituel. 

 

Sainte Marie, femme de la route, comme nous voudrions te ressembler pendant nos courses haletantes, mais nous n'avons pas de but. Nous sommes 69 des pèlerins comme toi, mais sans sanctuaire où aller. Nous sommes plus rapides que toi, mais le désert engloutit nos pas. Nous marchons sur l'asphalte, mais le bitume efface nos traces.

Forçats du " marche ou crève ", il manque dans notre sac du pèlerin la carte routière qui donne un sens à nos voyages. Et, avec toutes les voies de raccordement que nous avons à notre disposition, notre vie ne se rattache à aucune bretelle constructive, nos roues tournent à vide sur les boulevards circulaires de l'absurde et nous nous retrouvons inexorablement à contempler les mêmes panoramas.

Donne-nous, nous t'en prions, le goût de la vie. Fais-nous savourer l'ivresse des choses. Offre des réponses maternelles aux questions que nous posons à propos du sens de notre marche interminable. Et, si, sous nos pneus violents, les fleurs ne poussent plus comme autrefois sous tes pieds nus, fais que nous ralentissions au moins nos courses effrénées pour jouir de leur parfum et admirer leur beauté.

Sainte Marie, femme en chemin, fais que nos sentiers soient des instruments de communication avec les autres, comme les tiens le furent, et non pas des rubans isolants à l'aide desquels nous assurons notre solitude aristocratique.

Libère-nous de l'anxiété de la métropole et donne-nous l'impatience de Dieu.

L'impatience de Dieu nous fait marcher plus vite pour rejoindre nos compagnons de route. Le stress de la métropole, au contraire, nous rend spécialistes du dépassement. Elle nous fait gagner du temps, mais nous fait perdre le frère qui marche à côté de nous. Elle met dans nos veines la frénésie de la vitesse, mais elle vide nos journées de tendresse. Elle nous fait appuyer sur l'accélérateur, mais elle ne 70 donne pas à notre hâte, comme à la tienne, des saveurs de charité. (...)

Sainte Marie, femme en chemin, " signe d'espérance sûre et de consolation pour le peuple de Dieu en marche ", fais-nous comprendre que nous devons chercher sur le tableau de l'histoire, plus que sur les cartes géographiques, les chemins de nos pèlerinages. C'est sur ces itinéraires que croîtra notre foi. (...)

Si tu nous vois égarés au bord de la route, arrête-toi, ô douce Samaritaine, et verse sur nos plaies l'huile de la consolation et le vin de l'espérance. Et remets-nous ensuite sur la bonne voie. Des brouillards de cette " vallée de larmes ", où se consument nos afflictions, fais-nous tourner les yeux vers les monts d'où viendra le secours. Alors sur nos chemins fleurira l'exultation du Magnificat.

Comme en ce lointain printemps, lorsque tu es montée sur les hauteurs de Judée.

 

 

 

 

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