Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

La politique et le prince du mensonge (4)

(Suite du post précédent)

 

Combien de milliers de fois ai-je lu ces phrases écrites en transe, par exemple «Le capitalisme est le Mal absolu ». Et c’était écrit par un chrétien. Mais tout autant: «Le communisme est le Mal absolu.» L’accusation sans aucune possibilité de pardon, de mitigation, de conversion. Une fois que vous avez été communiste, vous ne pouvez pas changer, vous restez toujours sous le poids de l’accusation satanique. Il n’y a rien de bon et d’estimable dans l’adversaire. Seule son élimination radicale peut être un remède. La solution. Et cela c’est la politique qui l’a inventé. J’entends aussitôt une protestation: «N’est-ce pas plutôt la religion? » N’avons-nous pas connu l’Inquisition, les excommunications, les conversions par violence et contrainte... Je réponds radicalement là-dessus: oui, parfaitement la religion est devenue satanique chaque fois qu’elle a été prise en main par la politique. L’inquisition atroce n’a pas été celle de l’Eglise mais celle pratiquée au compte de l’Etat, pour lui et souvent par lui. L’extermination des Cathares est bien plus le fait du roi, qui s’est servi de l'Eglise, que de celle-ci. L’Inquisition ne devient extrême qu’entre les mains du roi du Portugal, du roi d’Espagne, de la république de Venise. Jusqu’à ce qu’elle devienne instrument d’une politique, l’excommunication n’est rien d’autre qu’un « remedium animi ». Et les conversions forcées, qui les a provoquées?

Qui a converti les Saxons par la violence ? Charlemagne. Qui a converti les Indiens par la violence ? Les conquistadores (alors que les chrétiens qui ne se mettaient pas au service de la politique pratiquaient au contraire la défense de la personne et des coutumes de ces Indiens). L’esprit d’accusation, de division d’un bien et d’un mal qui doit être extirpé est toujours le produit de la politique.

L’accusation majeure de notre temps est toujours issue d’un politique, fondée sur des motifs politiques, aboutissant à la mort dans le politique. La vue admirable de Koestler dans Le Zéro et l’infini fait éclater cela à l’évidence. Et de même que c’est la politique qui se fait prendre pour l’universel, et détrône Dieu, en réciproque, elle est productrice de l’accusation absolue. Ce qui est la contre-façon rigoureusement inverse de la justice divine. Ce n’est donc pas image littéraire facile, mais vue en profondeur de la politique, de la déclarer satanique, construite par le Satan, et implantée au coeur des hommes par le Satan. Ici encore, d’ailleurs, cela se greffe sur des sentiments spontanés humains, celui de l'auto justification et celui de l’expulsion de l’ennemi pour se purifier. La catharsis. L’homme a toujours besoin de se sentir juste, et jusqu’ici, c’était le rôle de la religion de lui offrir les moyens de la purification, entre autres par le sacrifice. Les grandes religions classiques ont disparu, et n’ont plus de pouvoir par manque de foi. Mais le besoin de l’homme reste aussi intense, le besoin d’être à ses yeux et aux yeux des autres, pur et légitime dans son existence. Et la voie, la seule qui lui soit maintenant offerte est celle de l’accusation, de la découverte politique du bouc émissaire désigné par la politique. Tout le mal est concentré dans cet autre, dissemblable, tout le mal va être expulsé lorsque cet autre sera expulsé ou, mieux, détruit. L’adversaire devient ennemi. L’ennemi devient l’incarnation absolue du mal. Et seul son anéantissement nous garantit non pas une simple victoire politique, mais le paradis, la justice, la liberté. Intégré moi-même dans le groupe des justes, je ne puis que partager leur justice. Or, tout repose sur l’accusation. C’est-à-dire l’oeuvre de Satan. Il n’y a pas simplement une structure, une organisation politique, il n’y a pas un simple effet psychologique, nous devons aller plus loin: précisons cependant que bien entendu le Diable ou Satan n’est pas un personnage, une figure située en un certain lieu donné, une volonté personnifiée ayant un objectif. Je dis que bibliquement partout où il y a rupture ou accusation il y a plus qu’un simple phénomène sociologique ou psychologique, il est impossible d’en expliquer et ramener tous les effets, par ou à du socio-psycho, etc. Il y a plus. Il y a une dimension spirituelle du domaine divin, il y a une dimension extra-humaine. Il y a une puissance inanalysable, qui rend la chose si effroyable. Et c’est ce qui est alors désigné par le Diable ou Satan. Maintenant, dans le monde où nous sommes, la politique est l’incarnation du Satan biblique.

                                                                                                            à suivre

                                                                          Jacques ELLUL


 

Les commentaires sont fermés.