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La politique et le prince du mensonge (2)

(suite du poste précédent)

 

Si on veut maintenir l’unité de la classe ouvrière, il ne faut pas faire de politique disaient Merrheim, Griffuelhes, Pelloutier. Et ils avaient senti exactement la nature de la politique, on ne les a pas entendus, et on a vu ce qui est arrivé. Les hommes politiques qui se présentent comme des rassembleurs font rire! Ils sont rassembleurs d’un groupe à condition d’approfondir le fossé qui le sépare de tout le reste de la nation, de même que la politique ne rassemble la nation (Union nationale) que dans la mesure où elle engage cette nation dans une guerre mortelle avec un autre pays. C’est même un moyen connu, admis, sans problème que la guerre pour unir le pays! La politique ne crée rien, et surtout pas la rencontre vraie, l’union des êtres, la marche en avant d’une société, fondamentalement unie et humainement décisionnelle et responsable. Elle ne produit que la division, le conflit en soi, rigoureusement inutiles, fondés sur rien, absurdes. Car lorsqu’un demi-siècle plus tard on regarde les divisions qui opposaient dans une haine farouche les adversaires politiques, on reste toujours stupéfait de la vanité, de la stupidité des motifs de division et de haine, comme en général des motifs de guerre. C’était donc pour cela que ces gens s’égorgeaient, se massacraient ? Nous ne serions pas si bêtes ! Mais ce que nous ne voyons pas, c’est que, avec d’autres objectifs, d’autres motifs nous faisons exactement la même chose ! Et nos motifs politiques de combat paraîtront aussi imbéciles à nos petits-fils. C’est le fait de la politique. Qui induit, séduit, provoque, engage les gens dans des conflits délirants. C’est elle qui nous fait prendre avec un sérieux absolu la «cause» qu’il faut défendre, ou la doctrine, les opinions, contre celles des autres. C’est elle qui fait que nous nous dressons pour des motifs superficiellement idéologiques contre nos frères. Et c’est au nom de ces stupidités, qu’elle provoque les grands massacres. Au nom de la mise en culture de la Sibérie, le goulag. Au nom d’une inutile production intensive de riz, Pol Pot massacre un tiers de son peuple, au nom du prestige politique la France envahit un quart du monde... Solennelles, grandiloquentes proclamations politiques ne produisant en fait, en profondeur que massacres et divisions, Mais dans l’instant, on y croit. On y croit les yeux fermés. La politique rend aveugle, totalement. Elle invente toutes les idéologies en même temps meurtrières et mobilisatrices. Elle provoque des conflits irréversibles. Un exemple simplifié: il y avait depuis le Moyen Age des communautés coexistantes, les Druzes et les Maronites, opposées sur tous les points, mais étant arrivées par le contact quotidien, par la pratique, par la connaissance humaine à un modus vivendi satisfaisant. Et puis voilà que la politique s’en mêle. La politique anglaise qui concurrence et veut mettre en échec la politique française. Et les Russes, et les Autrichiens. Chacun intervenant, soi-disant pour protéger telle ou telle communauté qui n’en avait nul besoin. Et voici qu’à partir du moment où la politique se saisit des relations des communautés. celles-ci sont rompues, les Druzes massacrent les Maronites, pour la première fois, et ceux-ci répondent. Et depuis 1840 cela n’a plus cessé. L’éclatement atroce du Liban est le fruit immédiat de l’entrée de la politique dans les relations humaines.

                                                                        Jacques  Ellul

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