L'idée de témoignage et l'idée de vocation sont soeurs. Que chacun témoigne selon sa vocation propre. Que le théologien rende un témoignage de théologien. Son témoignage n'est pas supérieur aux autres, mais il est le sien, celui dont il lui sera demandé compte, celui qu'il doit porter pour être fidèle. Celui que nul autre ne peut rendre à sa place.
Si le théologien n'a pas à rester enfermé dans ses travaux de spécialiste, c'est en émergeant au-delà qu'il portera son témoignage propre, non en demeurant en de-cà. Ce n'est pas en les négligeant, ou en agissant à côté. Invoquer le besoin des âmes, ou la nécessité d'un langage adapté, ou la supériorité d'une parole concrète et vivante sur les abstractions et les technicités, pour se dispenser d'accomplir la tâche intellectuelle qui lui revient dans l'Eglise et qu'il est seul à pouvoir normalement accomplir, ce n'est point porter témoignage : c'est trahir. Pour dissiper l'illusion, relire l'apologue de saint Ignace dans les Exercices spirituels, méditation des "trois classes".
Henri de Lubac - Paradoxes - Cerf 2007