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la prière du disciple (1)

L' amitié comporte toujours une part réservée au seul ami, à l'exclusion de toute autre présence ; cela résulte de la profondeur des échanges mutuels. L'amitié est donc, nécessairement, pour une part, un monde clos. En cela elle se distingue de la camaraderie. Or cette loi régit également l'amitié de l'homme avec Dieu : cette amitié comporte nécessairement une part d'union personnelle, que rien de communautaire ne pourra jamais supplanter.

 De même, dans l'amitié qui descend de Dieu vers l'homme, il y a toujours une part incommunicable à autrui.  La qualité même de l'amitié exige cette réserve, et d'autant plus lorsque cette qualité approche de l'infini. Car certaines réalités ne changeront jamais de nature : un trésor sera toujours le bien propre de celui qui sait où il se cache  et comment l'atteindre, un grand et véritable amour ira toujours d'un unique à un unique. Même lorsqu'un seul objet doit appartenir à tous, comme il arrive quand c'est Dieu qu'on aime, même dans ce cas, mon amour pour Dieu est strictement mien. Et Dieu lui-même est mien.

Mais après tout cela, que donnons-nous à Dieu ? S'il faut des échanges mutuels, où se trouve la part que nous apportons, en vertu de laquelle il y aura enfin réciprocité ?

Ce que nous donnons à Dieu ? Rien que nous n'ayons d'abord reçu. Dieu, en effet, est notre Créateur, et son action nécessaire s'étend à tout ce qui existe en nous et par nous, jusqu'au moindre élan de notre âme. Cependant, si vous y tenez, et pour que vous ne soyez pas trop déçu, disons que nous donnons quelque chose à Dieu : le choix que nous faisons de lui pour Bien suprême et pour ami. Au vrai, ce choix lui-même nous l'avons reçu, mais librement, en vertu de la subtile toute-puissance de la Cause première. Et c'est tout ! 

Ne pensez pas, cependant, que ce petit choix, ce petit don que nous versons au fonds commun de l'amitié soit peu de chose. Si vous voulez en juger, imaginez les deux hypothèses que voici : durant cinquante ans, vivre côte à côte avec quelqu'un qui vous a vraiment choisi avec la fibre de son cœur ; ou vivre dans les mêmes conditions avec quelqu'un qui vous exclut totalement. Faites le détail et le total de la différence, et vous mesurerez ce que représente le choix que fait un cœur. Ce choix, personne ne peut l'obtenir de nous si nous ne le faisons pas spontanément. Or voilà que nous voulons le porter sur Dieu ! Une fois de plus, je trouve  ici une justification de l'oraison contemplative. Car, lorsqu'on a choisi Dieu, on conserve son temps à Dieu. Et combien d'éliminations ce choix entraînera t-il par la suite ; préférence que nous admettons aux dépens de nos préférences. Qui se laisse prendre dans l'engrenage de la prière contemplative le veut bien ; il le veut bien parce qu'il a choisi Dieu. Mais, par défaut de ce choix, la vie paraîtrait vide à certains cœurs humains.

(A suivre...)

Père Jérôme, Écrits monastiques, Editions du Sarment, 2002 

 

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