S' il est vrai que la prière est un lieu essentiel pour la vie filiale et l' expérience du Règne, nous pouvons être étonnés de constater que Jésus n'en ait pas fait une priorité dans la formation de ses disciples. Ils étaient pourtant loin de vivre comme lui une communion constante avec Dieu. En dehors de la participation à l'office de la synagogue, nous ne voyons pas souvent Jésus demander à ses disciples de prier. En saint Marc, la seule mention de la prière concerne son lien avec la foi dans la prière de demande (cf. Mc 11, 24). Matthieu articule un enseignement sur la prière avec la mention du jeûne et de l'aumône (cf. Mt 6,1-18). Luc montre souvent Jésus en prière, mais celui-ci ne prend pas l'initiative de former ses disciples en ce sens. Il faut attendre que ceux-ci en fassent la demande: ils veulent que Jésus leur enseigne à prier comme Jean le Baptiste le fit pour ses propres disciples (cf. Lc 11, 1-4). Il ne s'était donc pas préoccupé de le faire auparavant ! Pourquoi cela, si ce n'est que, par sa seule présence, Jésus conduit ses disciples à Dieu. Ne pourrait-on pas dire que Jésus vit une communion si totale avec Dieu qu'il suffit aux disciples d'être avec lui pour vivre dans cette même communion?
Il en va de même pour nous. En demeurant comme les disciples avec le Christ tout au long de nos journées, non pas en pensant constamment à lui, mais en vivant de son Esprit, nous discernons avec lui la présence agissante de Dieu dans les événements et les personnes. À l'école de son humilité, nous pouvons nous émerveiller et rendre grâce en toutes choses, l'humilité véritable étant en effet cette attitude de louange par laquelle nous reconnaissons que la vie est un don à recevoir en toutes circonstances. La Bonne Nouvelle (cf. Mc 1, 15) est l'annonce de l'initiative de Dieu nous rejoignant dans le Christ sans attendre que nous ayons parcouru le monde pour le trouver. Sa vie en nous, c'est notre foi. Celle-ci est décision, acte de la liberté, expérience intérieure, communion à la louange du Christ et ouverture au monde dans la vigilance du cœur: « Plus que sur toute chose, veille sur ton cœur, c'est de lui que jaillit la vie » (Pr 4,23).
Olivier Rousseau - L'inconnu en chemin - DDB, 2008 p. 93