La prière est un chemin privilégié pour demeurer avec le Christ, l'écouter et le rencontrer ici et maintenant comme la Parole que Dieu nous adresse. Écouter, ce n'est pas, en effet, faire mémoire d'un personnage du passé, mais rencontrer l'Emmanuel, « Dieu avec nous ». L'écouter, ce n'est pas se projeter non plus dans un avenir imaginaire, espérer une perfection future, mais croire en lui et en la réalité actuelle de son amour pour nous.
Du point de vue du salut, il n'y a plus d'histoire : les derniers temps sont advenus. Dieu est là. Faire oraison, c'est s'ouvrir à l'actualité de cette présence. Mais quelle exigence, quelle immersion dans la limite du temps condensé ainsi en ce moment présent ! Pourtant cette porte étroite donne sur la Vie (cf. Mt 7, 13 s). La prière, comme enfouissement dans le moment présent, est relation à Dieu et perception de la Vie éternelle. Mais l'intensité de ce présent est telle, qu'elle exige de notre part un engagement sans cesse renouvelé. Face à un si grand mystère, nous serons toujours des débutants, comme ces enfants qui seuls ont accès au Royaume (cf. Mt 18,3 s). L'oraison choisie comme un infatigable commencement nous situe dans une attitude de conversion, de disponibilité à la Parole. Dieu ne parle qu'aujourd'hui au sens où sa Parole est relation à des vivants dans l'aujourd'hui de leur liberté. D'une certaine manière, tout le temps de l'oraison se passe à commencer, car nous ne sommes maîtres ni de notre capacité à demeurer présents à Dieu, ni de sa libre initiative. Etre présent, c'est demeurer disponible à Quelqu'un.
S'il ne dépend pas de nous de pouvoir y parvenir, notre engagement est malgré tout essentiel. Il se traduit par la ferme décision de vivre dans la foi une véritable rencontre. Prier nécessite une conscience suffisante et de soi-même et de Dieu. La présence à soi-même implique la conscience de notre existence corporelle, mais aussi celle de notre condition pécheresse. L'examen de conscience nous place sous le jugement de la Parole qui dénonce toute glorification de soi. L'humble reconnaissance du péché témoigne de l'ouverture à la gratuité de la Présence: « Oui, réfléchissez, et comprenez, en l'approchant, à qui vous allez parler, ou à qui vous êtes en train de parler. Nous pourrions vivre mille existences sans concevoir les égards que mérite ce Seigneur devant qui tremblent les anges. Il commande à tout. Il peut tout. Sa volonté agit" (Thérèse d'Avila). L'oraison est une rencontre entre le croyant et Dieu. La prière n' a pas lieu si l'un des deux manque au rendez-vous et nous devinons sans peine lequel est concerné par ce risque. La présence à Dieu peut paraître médiocre et parfois inexistante, mais ce qui compte est la détermination du croyant à la vivre. « L'oraison mentale c'est entendre ces vérités. » (Thérèse d'Avila) (...)
Olivier Rousseau - L'inconnu en chemin - DDB 2008, pp. 197-198