Je voudrais que ce soit Marie en personne qui entre dans votre maison, qui y ouvre toute grande la fenêtre et vous souhaite de bonnes fêtes de Pâques.
C'est un vœu immense, comme les bras du condamné étendus sur la croix ou élevés vers les cieux de la liberté.
Beaucoup de gens se demandent pourquoi l’Évangile, alors qu'il nous parle de Jésus se montrant ressuscité le jour de Pâques à de nombreuses personnes, comme à Marie-Madeleine, aux pieuses femmes et aux disciples, ne nous rapporte aucune apparition à sa mère.
Moi, j'aurais une réponse : parce que c'était inutile !
Il n'était pas nécessaire, en effet, que Jésus apparût à Marie, parce qu'elle seule fut présente à sa résurrection.
A vrai dire, les théologiens nous disent que cet événement fut caché aux yeux de tous. Il se déroula dans l'insondable profondeur du mystère, et historiquement n'eut aucun témoin. Je pense, toutefois, qu'il y eut une exception : Marie, la seule, devait être présente à cette péripétie suprême de l'histoire.
Comme elle seule fut présente au moment de l' Incarnation du Verbe.
Comme elle seule fut présente à la sortie de son sein virginal de chair. Et elle devint la femme du premier regard sur le Dieu fait homme.
De même, elle seule dut être présente à sa sortie du sein virginal de pierre : le sépulcre où jamais personne n'avait été déposé (Lc 23,53). Et elle devint la femme du premier regard de l'homme-Dieu.
Les autres furent les témoins du Ressuscité. Elle était le témoin de la résurrection.
D'ailleurs, si le lien de Marie avec Jésus fut si intime qu'elle en a partagé toute l'expérience rédemptrice, il est impensable qu'elle ait vécu la résurrection, moment le plus important du Salut, séparée de son Fils.
Ce serait l'unique absence et cela resterait, en plus, une absence étrangement injustifiée.
Tout de même, à l'appui de notre thèse, il y a dans l’Évangile au moins deux pages où l'on met en évidence combien Marie était associée à la Pâque de son Fils. Dans ces pages, le troisième jour, expression chronologique qui désigne la résurrection se rapporte à la présence, sinon au rôle principal de Marie.
La première page est celle de Luc. Il raconte l'épisode de Jésus âgé de douze ans, disparu dans le temple et retrouvé le troisième jour. Les spécialistes sont désormais d'accord pour interpréter cet épisode comme une prophétie voilée de ce qui arriverait plus tard aux disciples, toujours à Jérusalem, lors d'une Pâque, bien des années plus tard, lorsque Jésus passerait de ce monde au Père. Il s'agirait, en effet, d'une parabole faisant allusion à la disparition de Jésus derrière la pierre du tombeau, et à sa glorieuse résurrection trois jours après.
La deuxième page est de saint Jean. Elle concerne les noces de Cana, durant lesquelles l'intervention de Marie, anticipant l'heure de Jésus, dispose sur la table des hommes le vin de la nouvelle alliance pascale et fait éclater avant le temps la gloire de la résurrection. Eh bien, cet épisode aussi est introduit par un signe d'origine contrôlée : le troisième jour.
Marie est donc celle qui est tellement concernée par le troisième jour qu'elle n'est pas seulement la fille première née de la Pâque, mais que, dans un certains sens, elle en est aussi la mère.
Sainte Marie, femme du troisième jour, réveille nous de notre soleil de plomb. Et, l'annonce que la Pâque est aussi pour nous, viens nous l'apporter au cœur de la nuit.
N'attends pas les clartés de l'aube. N'attends pas que les femmes viennent avec les baumes. Viens, toi, la première, avec les reflets du Ressuscité dans les yeux, et avec les parfums de ton témoignage direct.
Quand les autres Marie arriveront au jardin, les pieds humides de rosée, qu'elles nous trouvent déjà réveillés et qu'elles sachent que tu les as précédées, toi, la seule témoin du duel entre la vie et la mort. Ce n'est pas que nous manquions de confiance en leurs paroles. Mais nous sentons tellement sur nous les tentacules de la mort que leur témoignage ne nous suffit pas. Elles ont vu, oui, le triomphe du vainqueur. Mais elles n'ont pas expérimenté la défaite de l'adversaire. Toi seule peux nous assurer que la mort a vraiment été tuée, car tu l'as vue inanimée sur le sol.
Sainte Marie, femme du troisième jour, donne-nous la certitude que, malgré tout, la mort n'aura plus prise sur nous. Que les jours sont comptés pour les injustices des peuples. Que les éclairs de la guerre se réduisent à des lueurs crépusculaires. Que les souffrances des pauvres en sont à leurs derniers râles. (...)
Texte extrait du livre de Tonino Bello : " Marie, femme de nos jours " édité par Médiaspaul 1998 (ISBN 2-7122-0688-6). Mgr Tonino Bello (1935-1993), évêque de Molfetta, dans les Pouilles, fut président du Mouvement Pax Christi d'Italie. Livre traduit de l'italien par Maria Malinowski et ses amis.