Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Chemin vers Pâques (18)

[70]

" Pour moi, je ne me glorifierai (voir note plus loin) que dans mes faiblesses" (2 Co 12,15)

" Pour moi, que jamais je ne me glorifie, sinon dans la Croix du Christ" (Ga 6,14)

La Croix du Christ est donc la manifestation de la faiblesse de l'homme. Le Fils de Dieu, en se solidarisant avec l'humanité déchue, s'est revêtu de faiblesse ; mais, alors que les hommes s'efforcent sans cesse de se cacher leur propre déchéance, Jésus, en prenant sur Lui leurs infirmités et en acceptant jusqu'au bout leur condition, a exposé et pour ainsi dire affiché sur la Croix cette condition de faiblesse. " Il a été crucifié dans sa faiblesse, dit encore saint Paul, mais Il est vivant par la puissance de Dieu ; et nous [71] aussi, nous sommes faibles en Lui, mais nous serons vivants avec Lui par la puissance de Dieu" (2 Co 13,4) ; c'est dire que si la vie du Christ ressuscité, et la nôtre en Lui, sont la manifestation de la puissance de Dieu, la Croix, elle, est la manifestation  la faiblesse  de l'homme, et du Christ Lui-même ; c'est dire que ce n'est qu'en Lui, en Lui crucifié, que l'homme peut pleinement reconnaître sa faiblesse ("nous sommes faibles en Lui"), comme ce n'est qu'en Lui, en Lui vivant et glorifié, qu'il peut reconnaître la puissance de Dieu et se confier à elle pour recevoir d'elle la vie éternelle.

Jésus crucifié, pour saint Paul et pour les premiers chrétiens qui avaient contemplé l'horrible spectacle de cette mort infâme, c'est l' homme réduit à la plus totale impuissance, paralysé, isolé, réprouvé, condamné, exsangue, prêt à sombrer dans la mort : c'est la révélation de la condition de faiblesse de l'homme, et de ce que le salut ne peut lui venir que de Dieu.  

(...)

Saint Jean, sans doute, voit déjà dans le Crucifié la gloire du Ressuscité; mais comme on l'a noté plus haut, cette gloire, Jésus ne l'a pas de lui-même. Il doit la demander et la recevoir de son Père (Jn 7,39 ; 8,54 ; 12,16.23 ; 13,31.32 ; 17,1.5). Il s'avance vers le supplice en pleine liberté, en pleine majesté, comme le Seigneur et le Maître ; mais il n'en prend pas moins d'abord l'attitude de l'esclave, et ne fait rien que par obéissance : c'est la condition pour que le Père soit avec Lui (Jn 8,29, cf. 15,10), Lui qui seul finalement parle et agit en Jésus (cf. Jn 14,10) (...) Enfin on ne peut [72] guère douter que la parole mise par saint Jean sur les lèvres de Pilate quand celui-ci présente aux Juifs leur Roi flagellé, couronné d'épines et revêtu de pourpre, soit à double sens, comme souvent dans le quatrième évangile : " Voici l'homme" (Jn 19,6) signifie en même temps : voici celui dont vous réclamez la mort, et voici l'image de l'homme réduit par le péché à la plus pitoyable condition ; on retrouve ici exactement la perspective paulinienne selon laquelle le Christ souffrant et humilié est la révélation même de la déchéance humaine. Plus qu'aucun autre auteur du Nouveau Testament, saint Jean met en lumière la divinité de Jésus. Son message n'en reste pas moins d'abord et essentiellement l'annonce du salut dans la Pâque du Fils de l'homme, impliquant pour Lui le passage d'une condition d'esclave à une condition glorieuse ; aussi, à ses yeux, confesser que Jésus est "venu dans la chair" (1 Jn 4,2, cf. 1 Jn 5,6), c'est-à-dire dans l'infirmité et l'indigence de la condition de créature, n'est pas moins fondamental que de croire que " Jésus est le Fils de Dieu" (1 Jn 5,5)  (...) 

NOTE :

La situation de l'homme par rapport au salut est fonction, selon saint Paul, de ce en quoi il "se glorifie". Aussi ce terme exprime quelque chose de tout à fait fondamental dans sa vision du mystère du salut. Les termes grecs, toujours du même radical, dont il use ici et que l'on traduit le plus souvent pas "se glorifier " évoquent l'attitude de fierté, d'orgueil, de gloriole quelque peu euphorique résultant du sentiment d'assistance et de sécurité qu'éprouve celui qui peut s'appuyer sur du solide. (...) Il y a ceux qui mettent leur confiance en eux-mêmes, dans leurs oeuvres, dans leur pratique ou même dans leur connaissance de la Loi (voire en Dieu, mais en Dieu considéré comme débiteur de l'homme, cf. Rm 2,13 !), mais tout cela c'est se confier dans la chair (voire se glorifier dans sa honte, Ph 3,19 !) ; ceux-là s'appuient sur le néant et tournent le dos au salut. Et il y a ceux qui mettent leur confiance en Dieu ou dans le Seigneur (1 Co 1,31) c'est-à-dire dans sa puissance (dans sa sagesse, dans sa grâce) ou, ce qui revient au même mais exprime la chose plus fortement, dans leur propre faiblesse (qui peut alors être habitée par la force du Christ ou de Dieu, 2 Co 12,5.9), ou encore , ce qui revient toujours au même, dans la Croix du Christ (expression suprême de la faiblesse de l'homme, Ga 6,14) : ceux-là s'appuient sur Celui qui ne trompe pas, ils ont trouvé la vraie voie du salut.

 

Claude Richard - Il est notre Pâque - Cerf , 1980  

 

Claude Richard a été abbé de l'abbaye cistercienne Notre-Dame de Timadeuc, près de Rohan

Les commentaires sont fermés.