79. Le processus décrit dans le chapitre précédent, et qui se déroule entre le coeur et la Parole, a depuis longtemps porté ses fruits dans les psaumes. Dans ce chapitre-ci, une étude à part sur l'origine et sur la prière des psaumes en fournira la meilleure illustration.
Ce sera aussi la réponse devenue difficile de nos jours : comment, aujourd'hui encore, prier les psaumes ?
Depuis l'Eglise primitive, les psaumes occupent dans la prière des croyants une place privilégiée, que cette prière soit liturgique ou privée. Cette prédilection pour les psaumes est passée, sans problème, du judaïsme au christianisme et a traversé de nombreux siècles. Même dans le bréviaire renouvelé, les psaumes occupent toujours une place importante. Mais ce privilège n'est plus incontesté. Beaucoup éprouvent des difficultés à prier les psaumes. Si fortement même que certains y voient le problème le plus grave de l'office actuel.
On peut parler à coup sûr d'une crise : elle était devenue inévitable depuis que nous avons de la peine à sentir la force spirituelle contenue dans les mots des psaumes. Tant que nous récitions les psaumes 80. en latin, la difficulté n'était pas immédiatement évidente. Derrière le rideau de la langue morte , bien des choses pouvait se cacher.
Avec l'irruption de la langue vivante, le rideau a été levé et le psaume soudain réveillé. Du moins en partie, dans la rudesse assez brutale de sa parole humaine. Le psaume nous a été restitué à neuf, et cette nouveauté inattendue a offusqué. La langue frappe si peu, les images rendent un son étrange ou suranné, les sentiments sont si frustres et si grossiers. De l'Eglise, il n'est pas question ; de l'Esprit, si peu ; et pas du tout de Jésus et de sa résurrection. Pour se familiariser de nouveau avec la prière des psaumes , il ne suffit pas d'adapter les mots, images et langage, aux normes d'aujourd'hui. Cette adaptation est certes très souhaitable, mais on en reste à un arrangement superficiel, à une retouche de l'aspect extérieur de la Parole. On reste toujours accroché au "vêtement de la lettre", au risque de laisser échapper le souffle de vie de la Parole, son pneuma. On travaille sur le brou, tandis que l'amande reste hors d'atteinte.
Toute parole humaine est une parole vivante. Le mot le plus humble, proféré par un homme, naît d'une expérience vitale, et demeure inspiré par le souffle de vie de celui qui l'a prononcé. Aussi est-il élastique et souple. Le même mot peut exprimer des nuances diverses et nous interpeller à plusieurs niveaux. Dans le langage ordinaire et surtout dans le langage scientifique, chaque mot évoque une seule signification, précise et bien circonscrite. Mais en soi, de par sa nature, chaque mot est insondable. Il 81 possède une profondeur qui ne peut être que progressivement explorée et communiquée.
A suivre...
André Louf - Seigneur apprends-nous à prier - Ed. Lumen Vitae - ISBN 2-87324-000-8
Commentaires
Bonjour, Voici les coordonnées d'un ouvrage qui pourrait vous intéresser : "Tehillim, Psautier en version poétique et rythmée." P-Fr. Bernard, Ed. Elzevir, Paris. Visiter : www.editions-elzevir.fr.
C'est une retranscription des Psaumes en poésie et en mode alexandrin, unique en littérature francophone.
Bien à vous,
P.-Fr. Bernard
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Bien à vous,
P.-Fr. Bernard