Dans les huit béatitudes, Jésus nous a indiqué huit voies qui nous permettent d'accéder au bonheur. Il promet le bonheur à ceux qui pleurent, à ceux qui souffrent la persécution, aux pauvres et à ceux qui doivent subir l'injustice. Le chemin qui conduit au véritable bonheur n'élude donc pas les expériences négatives de notre vie. Au contraire, sur le mont des Béatitudes, Jésus considère notre existence telle qu'elle est, en nous montrant un chemin grâce auquel nous pouvons, dans la réalité de notre monde, bien souvent lourd de menaces, trouver malgré tout le bonheur. Je voudrais relever deux béatitudes qui illustrent cette affirmation.
Dans la deuxième Béatitude, Jésus promet le vrai bonheur à ceux qui pleurent. Notre vie n'est pas que succès et bonheur extérieur. Nous perdons des êtres chers. Et nous ratons pas mal d'occasions. Celui qui, dans sa vie, ne déplore pas ces expériences de pertes se condamne à une paralysie intérieure. Seul éprouve une joie véritable celui qui accepte l'affliction. Refouler tous ses sentiments négatifs, c'est aussi se couper de la joie.
Cela vaut pour la relation vis-à-vis de nous-mêmes, qui est d'une grande importance dans le chemin qui conduit au bonheur. Celui qui reconnaît ses déficiences et ses faiblesses en les déplorant éprouve alors le soutien de Dieu. Il lui vient en aide, de façon qu'à travers ses déficiences, il entre en rapport avec sa nature propre. Ce que je n'arrive pas à vivre est suscité par le fait que je le déplore. alors cela m'advient par une entrée, de façon tout à fait neuve.
Grégoire de Nysse, mystique grec du IV ème siècle, nous indique, pour sa part, un autre chemin. Il interprète la Béatitude de Jésus sur ceux qui souffrent pour la justice, par comparaison avec les compétitions sportives. Quand je fais la course avec d'autres concurrents, ils cherchent à me dépasser, ce qui me poussent à atteindre plus vite le but. Selon Grégoire de Nysse, le secret de la vie se trouve dans le fait qu'en définitive, ne puisse pas me nuire ce qui est menaçant et mauvais, donc la maladie, la misère, la mort, la haine et l'hostilité provenant de l'extérieur, à la condition que je les comprenne à la lumière des Béatitudes. Même une maladie peut m'inciter à courir vers Dieu qui est notre véritable but. Egalement, la persécution de la part des malveillants ne peut m'écarter du véritable bonheur qui nous attend au terme de notre course. Ce n'est plus une consolation pour plus tard. Au contraire, cette Béatitude nous indique un chemin qui nous montre comment, dans la réalité d'un monde de menaces et de persécutions, il nous est possible de trouver, malgré tout, notre bonheur. Qui parle de bonheur n'évoque pas un plaisir ou une joie superficielle. Ce n'est pas un bonheur de pacotille ou éphémère, qui se limiterait à nous griser nous-mêmes et à exclure tout ce qui est négatif dans le monde, mais un bonheur qui s'avère possible dans la réalité telle qu'elle se présente.
Anselm Grün - Réponses aux grandes question de la vie - DDB 2009, pp.25-27